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Chroniques
récital Aleph Gitarrenquartett
Furrer – Haas – Hechtle – Hidalgo – Oehring
Engagé contre les stéréotypes liés à la guitare depuis sa fondation en 1993 (solitude mélancolique de l’artiste, fougue d’un flamenco collectif, etc.), le quatuor Aleph passe des commandes pour augmenter le répertoire d’une formation hors du commun, souvent contrainte de s’exprimer via des transcriptions – entre autres exemples, on songe au quatuor Amanecer [lire notre critique du CD]. Les réponses apportées par les cinq compositeurs au programme, comme l’exprime Bernd Künzig dans la notice de l’enregistrement, ne témoignent pas seulement de l’exploration de types de jeu très spécifiques et souvent sophistiqués, mais aussi du langage sonore extrêmement individuel qui déploie des textures diverses sous les doigts de chaque interprète.
Aîné des créateurs ici joués, l’Autrichien Georg Friedrich Haas (né en 1953) a conçu la pièce la plus longue – près de quatorze minutes – un an avant la création parisienne de son opéra Melancholia [lire notre chronique du 18 juin 2008]. Avec Quatuor (2007), il laisse libre cours à son intérêt pour les micro-intervalles qui l’occupe depuis une quinzaine d’années maintenant. Les instruments possèdent des hauteurs différentes (le deuxième accordé 1/12 de son plus bas que le premier, le troisième à 1/6 et le dernier à 1/4), ce qui contribue à rendre cette œuvre plus intéressante par sa richesse timbrique (piano-jouet ou « préparé », banjo, mandoline, etc.) que par sa structure générale.
Un poème de l’Espagnol José Angel Valente est à l’origine de fragmentos de un libro futuro (2007) de Beat Furrer (né en 1954). Ici le soprano Petra Hoffmann « tamponne les voyelles », en écho aux pizzicati cliquetants des instruments. Tout devient alors « parlant », même si le sens du texte ne joue pas un grand rôle.
Élève de Lehmann et Lachenmann installé à Stuttgart depuis plus de trente ans, l’Andalou Manuel Hidalgo (né en 1956) reste fidèle à la tradition musicale de son pays natal. Ainsi, rythmes et tremolos dominent (Kampftanz) (2000), mais aussi les fameux coups de main sur le corps de l’instrument, à la façon des flamenquistes. Dès lors, cette Danse de combat séduit par son énergie, certaines couleurs, mais peut rebuter par d’autres aspects.
Enfant de parents sourds, le Berlinois Helmut Oehring (né en 1961) s’est formé en autodidacte à la guitare et à la composition, avant d’étudier plus sérieusement avec Goldmann et Katzer. Il définit sa musique comme « sombre, morbide, opératique, dramatique, dure, schizoïde, détraquée, brisée, délirante, androgyne, d'un réalisme cauchemardesque », et rêve « de composer une espèce de drame documentaire mélo ». Mich.Stille. (2000) nécessite que les instrumentistes jouent un moment la main droite entourée d’un sac plastique, tandis que défile une bande-son avec des halètements humains. On a connu proposition plus enthousiasmante…
Benjamin du programme, Markus Hechtle (né en 1967) a étudié avec Rihm et Goebbels. Avec Linie mit Schraffur (2006), il livre une page colorée et minimaliste dans laquelle les cordes dessinent les hachures du titre à force de tremolos. Une couche uniforme ainsi formée, le tracé d’une clarinette d’abord timide, tenue par Ernesto Molinari, peut se déployer jusqu’à une virtuosité relative.
Pour finir, signalons que si José Javier Navarro Lucas et Tilmann Reinbeck restent fidèles au même instrument durant tout l’enregistrement, leurs confrères Andrès Hernandez Alba et Wolfgang Sehringer empruntent à l’occasion une guitare basse acoustique (plages 3, 4 et 5) et une petite guitare terz (plages 3 et 4), accordée à une tierce mineur plus haut qu’une guitare normale, d’où sa sonorité plus claire.
LB