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Chroniques
récital Alexandre et Jean-Jacques Kantorow
Chevillard – Fauré – Gedalge
Défendu par le tout jeune Alexandre Kantorow (né en 1997), actuellement élève des pianistes Franck Braley et Haruko Ueda (CNSMD de Paris), et Jean-Jacques Kantorow, salué comme « un talent époustouflant » par Glenn Gould, ce programme entièrement français regroupe trois pièces (dont deux enregistrées pour la première fois) conçues par des compositeurs qui n’ont pas plus de quinze ans de différence : Gabriel Fauré (1845-1924) et ses cadets André Gedalge (1856-1926) et Camille Chevillard (1859-1923).
Ce dernier est sans doute le moins connu des trois.
Fils de violoncelliste, il devient chef de chant dans la société de concerts que dirige son beau-père, Charles Lamoureux, depuis 1881. Dix ans plus tard, en 1897, Chevillard fait figure de successeur naturel et dirige des créations signées Fauré (Pelléas et Mélisande, 1901), Debussy (La mer, 1905), Schmitt (Le palais hanté, 1905), Magnard (Hymne à Vénus, 1906), Ravel (La valse, 1920), Koechlin (Choral, 1921), Caplet (Prières, 1922) ou encore Pierné (Cydalise et le Chèvre-pied, 1923). Mais n’ayant qu’une « sympathie mitigée pour les courants les plus récents de la musique française » (dixit Romain Rolland), la génération précédente (Berlioz, Franck, etc.) ou encore l’art dramatique, il préfère jouer les romantiques allemands et russes, tout spécialement Beethoven, Schuman et Liszt.
Au conservatoire de sa jeunesse, Chevillard apprend le piano mais pas la composition. C’est donc en autodidacte qu’il écrit de la musique de chambre, surtout, dans le sillage du Quintette pour piano et cordes (1882). Contrastée, sa Sonate en sol mineur Op.8 (1892) permet de goûter les nuances d’un violon tantôt âpre et impétueux, tantôt assagi jusqu’à l’évanescence.
Avant d’imaginer la Sonate en mi mineur Op.108 (1917) de sa maturité, Gabriel Fauré livre à la Société nationale de musique sa Sonate en la majeur Op.13 n°1 (1877), dédiée au violoniste Paul Viardot à la sœur duquel l’attachent de brèves fiançailles – « lui l’aurait brûlé de sa passion », conclut Pauline (30 novembre 1877), mère soulagée que la douce Marianne ait rompu. Pour d'aucuns, ces quatre mouvements posent les fondations de la musique de chambre française, au point que Saint-Saëns applaudi un protégé qui « s'est placé d'un bond au niveau des plus grands maîtres ». En effet, l’œuvre captive d’emblée par son lyrisme de cordes jouxtant un piano romantique (Allegro molto). Partagé entre intimité et fièvre, l’Andante continue de séduire, de même que l’Allegro vivo, bondissant et virtuose. Le dernier mouvement retrouve la passion première.
« Jamais, écrit Gedalge à Koechlin (8 avril 1912), je ne pourrais partir au travail sur des combinaisons de notes ou de sons qui ne représenteraient pour moi aucun sens, si je les entendais autrement qu’en ligne suivie et rythmée intérieurement ». C’est tardivement, peu avant la trentenaire, que ce musicien à l’esprit indépendant, bientôt Second Prix de Rome 1886, entre dans la classe d’Ernest Guiraud, après avoir travaillé dans la maison d’édition familiale. Aujourd’hui peu connu comme auteur à succès d’un opéra-bouffe, Pris au piège (1890), d’une pantomime, Le petit Savoyard (1891), et du ballet Phœbé (1900), il l’est davantage comme professeur attentionné et estimé (Boulanger, Honegger, Ibert, Koechlin, Milhaud, Ravel, Schmitt, etc.). Dédiée à Enescu, sa Sonate en sol majeur Op.12 n°1 (1897) offre des climats animés avec lumière et légèreté.
LB