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Chroniques
récital Amel Brahim-Djelloul
Brahms – Canteloube – Collet – Guridi – Hahn – etc.
Amel Brahim-Djelloul poursuit une belle carrière originale d'artiste moderne, en vraie touche-à-tout lyrique. Plutôt sur les scènes baroques dernièrement – encore qu'elle attaque l'année 2016 par l’opérette –, le soprano franco-algérien présente avec le pianiste Nicolas Jouve un pot-pourri charmant et intègre de courtes mélodies populaires, qui fut enregistré en avril 2014 dans sa région lyonnaise grâce à un financement participatif, pour être distribué au printemps dernier par le label bourguignon Eloquentia.
Beaucoup plus dense qu'il n'y paraît de prime abord, ce programme d'environ une heure étale des échantillons glanés çà et là en Europe, de la Castille aux Highlands, et arrangés par des compositeurs plus ou moins reconnus, joli saupoudrage entre les grands noms Johannes Brahms, Reynaldo Hahn, Maurice Ravel et Ottorino Respighi et les trois joyeux « intrus », Joseph Canteloube, Henri Collet et Jésus Guridi.
Il s'agit d'un curieux voyage en compagnie de la voix bien mûrie et audacieuse d'une conteuse polyglotte, sur un piano sobre, presque discret, le tout selon un bon vœu de simplicité. Entre la peur secrétée par les chansons castillanes, souvent tristes, d’Henri Collet (1885-1951) et de Jésus Guridi (1886-1961), et le confort des mignardises vénitiennes de Reynaldo Hahn, un subtil accord est trouvé. L'équilibre délicat est atteint entre les Mélodies populaires grecques de Ravel, géniales de musique et vivacité toutes voiles dehors, et le plutôt calme retour au port, au vieux terroir auvergnat de Canteloube.
Le récital s'écoule comme une journée entre la vie, ainsi exaltée au gré des quatre splendides airs écossais de Respighi, et puis la mort, sereine, comme évoquée par les sombres chants romantiques allemands de Brahms qui se referment avec le pudique et déchirant In stiller Nacht (Dans la nuit calme), à la recherche d'autres interstices où cacher le trésor de ses sentiments: « die wilden Tier traur'n auch mit mir in Steinen und in Klüften » (« entre les pierres et dans les crevasses, les animaux aussi partagent ma peine »). De tout ce petit bouquet émane une poésie modeste et authentique, des émotions fugaces mais sincères, un franc amour des diverses cultures.
Unique réserve, la petite mise en scène des artistes en chauffeur et en vedette devant une deux-chevaux, en train de jouer à... à avoir l'air « populaire » aujourd'hui ? Alors, vivent les images vraiment rétro ! Honnêtement, l'album aurait peut-être mérité des illustrations plus attirantes et plus fidèles à son contenu, ne serait-ce qu'en couverture. Par bonheur, le livret multilingue, riche et clair, utile et agréable donc, en fait un bel objet.
FC