Chroniques

par michel slama

récital Barbara Bonney et Angelika Kirchschlager
Brahms – Dvořák – Mendelssohn – Schumann

1 CD Sony Classical (2004)
SK 93133
récital Barbara Bonney et Angelika Kirchschlager

Un nouveau duo inattendu est né de la complicité de deux stars du chant d'aujourd'hui, Barbara Bonney et Angelika Kirchschlager qui se rencontrèrent naguère dans une église de Salzbourg, l'aînée chantant en solo et l'autre étant jeune choriste. Marketing oblige, le titre de ce délicieux album, First Encounter est donc un peu usurpé et se doit d'attirer le client… Au recto, les jolis minois de nos duettistes, au verso : deux chaises longues, au bord de la mer, en guise de détente estivale. Heureusement, à l'écoute, la séduction aguicheuse de la pochette laisse place à un très agréable moment de musique, dû au talent des deux interprètes parfaitement rompues à l'art du Lied et, ici, aux duos allemands.

Entre deux incarnations des grands rôles des répertoires de sopranos et de mezzos, les deux interprètes n'ont cessé de défendre, avec ferveur, les Liederabend sur toutes les scènes lyriques. Elles ont, par ailleurs, également consacré chacune plusieurs disques à la mélodie. À l'âge de dix-neuf ans, la jeune Barbara auditionnait au Mozarteum de Salzbourg en interprétant Du Ring an meinem Finger de Schumann : « Ce petit Lied a changé ma vie ! », nous confiait-elle. Angelika, qui fut, à ses débuts, finaliste du concours Hugo Wolf, se plaît à répéter aujourd'hui : « Il faut placer le Lied au premier plan. Un concert de Lieder peut être même plus passionnant qu'un opéra ».

Le miracle de ce disque provient de l'alchimie de la fusion de leurs voix : ce sont les noces idéales des voix d'Octavian et de Sophie, qui démodent, par leur simplicité et leur fraîcheur, bon nombre de leurs glorieuses aînées… Pas de surprise concernant le programme de cet enregistrement, les compositeurs comptent parmi les plus grands maîtres du Lied : Schumann, Brahms, Felix et Fanny Mendelssohn.

Les Lieder choisis ont pour origine des chansons populaires et folkloriques. « Je me réjouis de ce souffle national chaud que je retrouve ici » s'exclame, en 1878, l'éditeur berlinois des Klänge aus Mähren Op.32, le troisième recueil des Duos Moraves de Dvořák, qui nous est intégralement proposé ici. Si ces petites pièces sont plus légères et anodines que les Lieder auxquels nous ont habitué leurs compositeurs, elles ont toujours rencontré un grand succès auprès du public, comme en témoigne la tournée de nos deux divas en France et à l'étranger.

Quel plaisir de les retrouver et de les écouter, sur le vif, au Théâtre du Châtelet à Paris, le 15 décembre dernier, dans un programme de duos très proche de celui-ci ! Au concert, elles ont eu l'intelligence et le courage d'y ajouter les plus rares français, comme Massenet, Saint-Saëns, Chausson et Fauré aux côtés d'exquises Soirées Musicales de Rossini, en remplacement des trois duos de Brahms qu'elles nous offraient en CD. L'idée de défendre ces miniatures très rarement interprétées, aujourd'hui, au concert – et avec quel engagement ! – a donné encore plus de prix à leurs prestations et leur a valu une ovation unanime d'un public sous le charme.

L'art si finement maîtrisé de la soprano et de la mezzo, au disque comme au concert, allié à la complicité et au talent de leur accompagnateur, Malcolm Martineau, contribue à nous combler. Alors, pourquoi ne pas s'installer dans ces chaises longues, devant la mer ou ailleurs, et se laisser bercer par les deux sirènes aux voix enchanteresses ?

MS