Chroniques

par laurent bergnach

récital Ensemble Ausonia
Journées Musicales d'Automne (2008)

1 DVD Souvigny Festival (2009) zone 2
volume 1
les Sonates du Rosaire de Biber rencontrent le théâtre Nô

Axées à l'origine sur la mise en valeur de l'orgue historique de François-Henri Clicquot (1783) en l'Église Saint-Pierre et Saint-Paul de Souvigny, les Journées Musicales d'Automne se sont développées au fil du temps vers les musiques de la période baroque et classique. Afin de partager l'ambiance chaleureuse et souvent intimiste des concerts proposés chaque dernier week-end de septembre depuis 2001, le label Souvigny Festival a vu le jour. Il propose aujourd'hui Résurrection, une mise en miroir originale des Sonates du Rosaire d'Heinrich Ignaz Franz Biber (1644-1704) et de chants et danses du théâtre Nô, filmée une heure durant par Philippe Klinge, en 2008.

C'est à Zeami (1363-1443), acteur, dramaturge et théoricien de cet art, que l'on doit les deux extraits de Hagoromo qui rythment le concert de l'ensemble Ausonia. Évoquant par son titre autant le nom de la déesse qui offrit à l'humanité la danse et la musique du ciel que celui du rituel qui prépare la rencontre des hommes et des dieux, Hagoromo est une des pièces les plus connues parmi la quasi centaine que nous laisse ce pionnier, à mesure qu'il synthétise les anciens arts du spectacle de rue. Sous le masque pâle dont l'expression varie selon la lumière, Masato Matsuura fait vivre son personnage au charme subtil (entrée mystérieuse, mouvements lents, tournoiements festifs, etc.) et ne semble jamais inopportun.

Pour le claviériste Frédérick Haas, le rapprochement de Biber et Zeami s'est imposé suite à cette question : « Que peut signifier encore la mystique du Rosaire pour les Européens d'aujourd'hui, qui ne sont certes pas ceux du dix-septième siècle ? » Avec sa musique à la fois complexe et diaphane, méditative et joyeuse – et un art du violon polyphonique annonçant Bach, Enesco et Bartók –, le Bohémien de naissance favorise le cisèlement et la codification qui sont l'essence du Nô. Mettre en résonance ces deux arts permet à nos contemporains de mieux saisir, l'espace d'une soirée, grandeur, puissance et profondeur cachée de cette œuvre, loin des pompes de l'Église autrichienne.

Joués chronologiquement – Résurrection, Ascension, Pentecôte, Assomption, Couronnement de la Vierge –, les sonates de Biber alternent avec des pièces de Johann Jakob Froberger (1616-1667). Si l'expressivité du violon de Mira Glodeanu et du violone de James Munro sert au mieux le premier, c'est la respiration du clavecin que nous goûtons particulièrement avec le second. Ouvrant ce concert de grande tenue, Lamento sopra la dolorosa perdita della Real Mistra di Ferdinando IV en assure d'emblée l'ambiance de recueillement, en sus des chandeliers et de l'acoustique de Saint-Menoux.

LB