Chroniques

par laurent bergnach

récital Ensemble Castelkorn
Bertali – Biber – Döbel – Muffat – Poglietti – etc.

1 CD Eloquentia (2017)
EL 1755
L'Ensemble Castelkorn joue Bertali, Biber, Döbel, Muffat, Poglietti et Schmelzer

De nationalité tchèque, Josef Žák étudie le violon à Prague et Dresde, avant d’éblouir les jurys de concours dans les premières années du millénaire. Actif au sein de plusieurs formations (Orchestre de chambre Talich, New Prazak Quartet), il vient en France se perfectionner dans la musique des XVIIe et XVIIIe siècles, ce qui l’amène à séduire nombre de chefs réputés (Christie, Luks, Rousset, etc.). Lui-même est à la tête des ensembles SlovaCzech, Chœur Grégorien de Paris et Castelkorn, lequel enregistre le présent programme en l’église Sainte-Anne de Vižňov. Žák s’y entoure de Julie Dessaint (viole de gambe), Felipe Guerra (clavecin, orgue) et Ulrik Gaston Larsen (théorbe, guitare), pour jouer des pièces issues du Fonds musical de Kroměříž – cette Athènes de Moravie, célèbre pour son palais épiscopal où se réfugia la cour de Vienne lors du Printemps des Peuples (1848).

Des six compositeurs réunis, pour la plupart nés avant 1650, Antonio Bertali (1605-1669) est le plus ancien. Né à Vérone, l’Italien passe quatre décennies à Vienne, livrant pièces de circonstance et opéras de cour [lire nos chroniques du 12 décembre 2016 et du 3 février 2017]. Après une délicate introduction, sa courte Ciacona en ut majeur A 883 confie au violon une folia qui invite à la danse. Pour sa part, Johann Heinrich Schmelzer (1623-1680) n’a pas quitté l’Autriche, sauf pour s’éteindre à Prague, suite à l’épidémie de peste qui fait quitter Vienne à l’entourage de Léopold Ier. Réputé comme violoniste et compositeur, il influence des cadets tels Biber et Walther, comme en témoigne la Sonate en si bémol majeur A 514 « Lamentovole » qui donne son nom à cet album.

Alessandro Poglietti (1641-1683) est lui aussi au service de Léopold Ier, en tant qu’organiste durant deux décennies [lire notre critique du CD]. Sa Sonate en ré mineur A 614 prouve une aisance à marier agréablement violon et viole de gambe. Bohémien du Nord de Prague, Heinrich Ignaz von Biber (1644-1704) étudie avec Schmelzer, entre au service du prince von Eggenberg, à Graz, puis occupe différents postes en Moravie (Olomouc, Kroměříž) avant d'être nommé maître de chapelle du prince-évêque de Salzbourg (1684). D’aucuns ont souligné la qualité de ses pièces pour violon, qui donnent l’impression d’improviser. Nous entendons ici les très toniques Arien à quatre et la Sonate pour violon seul, d’abord berçante, qui s’achève en une tarentelle élégante.

Heinrich Döbel (1651-1693) est un violoniste beaucoup moins connu, Polonais d’origine. Sa Sonate n°2, extraite du recueil Sonatæ pro Fidibus, témoigne de la virtuosité typique de la seconde moitié du XVIIe siècle, souvent teintée d’influence italienne. On y apprécie de belles nudités. Terminons avec un autre voyageur : Georg Muffat (1653-1704). Probable élève de Lully, ce Savoyard est le symbole de l’apogée du baroque salzbourgeois – avec son confrère Biber –, avant d’étudier l’orgue auprès du Toscan Bernardo Pasquini et de finir ses jours comme maître de chapelle de l’évêque de Passau (la ville aux trois rivières, pas encore bavaroise). Différents climats dessinent la Sonate pour violon seul, passant d’une douleur digne à un moment allègre, avant de s’achever dans une austère noirceur.

LB