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Chroniques
récital Ensemble Diderot
Benda – Graun – Janitsch – Kirnberger – Schulz – etc.
Outre le grand musicien dont nous goûtions récemment l’excellence [lire notre chronique du 30 septembre 2020], le violoniste et chef d’orchestre autrichien Johannes Pramsohler s’avère un conteur de premier ordre lorsqu’il s’agit de narrer la vie artistique à la cour du Prusse sous Friedrich der Große, le roi flûtiste. Ainsi en témoigne le texte qu’il signe pour accompagner le nouvel enregistrement de l’Ensemble Diderot, par lui fondé il y a une douzaine d’années – un plaisir hautement recommandable au lecteur.
Plutôt que de concentrer ce Berlin Album (qui fait suite aux albums Dresde, Londres et Paris) sur les sonates en trio de Carl Philipp Emanuel Bach et celles du souverain, le maître d’œuvre de ce CD explore la production de compositeurs alors en renom qui furent aussi les valeureux instrumentistes des concerts royaux. Ainsi de Jiří Antonín Benda, violoniste survenu de Bohême centrale et d’une famille de musiciens. Johannes Pramsohler, Roldán Bernabé (violons), Gulrim Choï (violoncelle) et Philippe Grisvard (clavecin) livrent une interprétation gracieuse de sa Sonate en mi majeur dont on admire principalement le Larghetto dolent auquel succède une souriante danse Presto.
Comme six des œuvres choisies, celle-ci n’avait jamais été gravée jusqu’à présent, à l’inverse de la Sonate en ré mineur du claveciniste thuringeois Johann Philipp Kirnberger qui fut le professeur de composition de la princesse Anna Amalia, la jeune sœur du monarque. La gravité de climat de l’Andante contamine une écriture chromatique moins attendue que l’on retrouve dans l’Allegro qui en pourrait être la variation répétée. Le Presto vient à peine le contredire d’une humeur moins mélancolique où tournoient ornements et traits de virtuosité. De la princesse, nous entendons la brève Fugue en ré majeur dont les modulations du mitan gardent du maître, qui enseigna également son art au Lunebourgeois Johann Abraham Peter Schulz, ici abordé par la Sonate en la mineur et son Allegretto inquiet, traversé de nuances délicates. Après un Adagio maestoso discrètement cérémonieux, comme une déclaration intime, la ferme articulation du Presto allegro ne dément pas le caractère général de la pièce, alors habitée d’une relative impatience.
Né plus à l’est, en cette Silésie désormais polonaise, Johann Gottlieb Janitsch est engagé par l’héritier Frédéric en tant que contrebassiste. Toute sa carrière demeure liée à l’activité musicale de la cour, au fil de ses successifs changement de résidence. L’Ensemble Diderot joue son élégante Sonate en sol majeur qui, sans abuser de galanterie, manie toutefois le souvenir italien. La lumière chaleureuse de l’Andante cède place à un Allegro précieusement ouvragé dont le clavier souligne la ciselure. Et la virtuosité de triompher, dans le Vivace final.
De même qu’il s’attacha les talents des frères Benda, le prince employa les deux Graun, Carl Heinrich en tant que maître de chapelle et Johann Gottlieb comme violoniste, bientôt Konzertmeister. Si Schulz incarne ici la nouvelle génération, le Brandebourgeois, né quarante-quatre ans plus tôt, en est assurément le doyen. Le présent menu s’articule autour de deux sonates en trio, l’une en la majeur et la seconde en sol majeur, toutes deux hantées par une expressivité contemplative, subtilement rendue. À écouter sans modération !
BB