Chroniques

par laurent bergnach

récital Fabian Müller
Bartók – Beethoven – Messiaen – Ravel

1 SACD Ars Produktion (2016)
ARS 38 204
Le pianiste Fabian Müller joue Bartók, Beethoven, Messiaen et Ravel

Né à Bonn en 1990, Fabian Müller aborde le piano à l’âge de quatre ans – Brahmsstraße, près des maisons où Schumann trouva la mort et Beethoven la vie. Adolescent, il rejoint la Musikhochschule de Cologne et se perfectionne avec Tamara Stefanovich et Pierre-Laurent Aimard [lire notre chronique du 2 novembre 2015]. Ce dernier le sensibilise aux répertoires des XXe et XXIe siècles, le conduisant à se distinguer au Concours international Ferruccio Busoni (Bolzano), en 2013. Lors de classes de maître, il recueille également les conseils de Menahem Pressler, Pavel Gililov et Leon Fleischer.

Pour nourrir un langage créatif propre, chacun à leur manière, les compositeurs ont puisé des impressions vivaces hors de chez eux, notamment dans la nature. C’est le point commun de ce programme qui débute avec Miroirs (1906), cycle de cinq pièces créé par Ricardo Viñes à la Salle Érard (Paris). « Ce mot de miroiren tout état de cause ne doit pas laisser supposer chez moi la volonté d'affirmer une théorie subjectiviste de l'art », précise Ravel. Quant à elle, Marguerite Long résume : « intensément descriptives et picturales, ces pages bannissent toute expression de sentiments mais offrent à l’auditeur une quantité d’éléments sensoriels raffinés pour qu’il en dispose selon sa propre imagination ». Müller y révèle les choix d’un artiste avec une vraie personnalité, tour à tour fluide et félin (Noctuelles) ou, au contraire, plus secret et mystérieux (Oiseaux tristes).

Suite de cinq pièces, elle aussi, Szabadban Sz.81 (En plein air, 1926) s’avère pourtant un ensemble dissociable puisque Claire Delamarche rappelle la préférence de son auteur pour Avec les fifres et les tambours et La musique de la nuit, souvent joués seuls ou associés à divers morceaux [lire notre critique de l’ouvrage]. « Comme dans la Sonate pour piano, écrit la musicologue, Bartók exploite ici le caractère percussif du piano ; il cherche à réduire la frontière entre bruit et son, à dégager la beauté et l’expressivité intrinsèques de phénomènes sonores qui ne sont plus écoutés seulement comme des hauteurs de sons. » À l’inverse du cycle précédant, celui-ci ne convainc pas, l’interprète priorisant le travail de rythme sur le lyrisme présent chez l’admirateur de Debussy.

Poursuivons notre exploration du XXe siècle avec L’alouette calandrelle, huitième des treize parties du Catalogue d’oiseaux (1959), créé par sa dédicataire Yvonne Loriod, salle Gaveau (Paris), dans le cadre des concerts du Domaine musical. Le projet de Messiaen est de rendre hommage à une province française, à son oiseau-type et ses voisins d’habitat, à ses couleurs et ses parfums. Fabian Müller l’aborde avec une imagination bienvenue.

Sous-titrée Pastorale par l’éditeur qui la publie en 1802, la Sonate en ré majeur Op.28 n°15 de Beethoven clôt ce programme de plein air – il est d’ailleurs amusant de rappeler qu’elle est dédiée au comte Joseph von Sonnenfels, développeur de l’éclairage public à Vienne. Riche en invention sans recourir au contraste, notre interprète s’empare de façon surprenante de la musique de l’Allemand, notamment lorsqu’il annonce le romantisme schumannien et son esprit de fantaisie, avec plusieurs décennies d’avance.

LB