Recherche
Chroniques
récital Fabrice Junger
créations à partir de pages de Bach et Marais
Il serait naïf de prendre pour pain béni les inscriptions Marin Marais – Bach sur la pochette de cet album. En revanche, il s’agit bien d’une démarche tout-à-fait baroque, ainsi que le titre l’indique, barroco. Mais regardez bien ! Il est précisé « pour flûte 2.0 ». De quoi s’agit-il donc ? d’un « méta-instrument, précise le musicien, formé de flûtes traversières, du piccolo à la contrebasse, associées à un dispositif audionumérique interactif […] géré par l’interprète ». Le flûtiste Fabrice Junger, que depuis 1992 nous pouvons entendre au sein de l’EOC [lire notre critique du CD Boulez/Manoury], est également compositeur. C’est à ce titre qu’il produit aujourd’hui ce CD sous label Studio4Colonnes pour lequel ont été imaginées des extensions à ces deux grandes pages du répertoire que sont la Chaconne en ré mineur BWV 1004 du cantor de Leipzig et les fameuses Folies d’Espagne du violiste français.
À la marge de la création contemporaine dans une acception orthodoxe du terme, la musique de Fabrice Junger confronte volontiers les genres ; ainsi de ses Folies qui explorent tour à tour des climats électroniques aériens et des passages franchement marqués par une ambiance pop assez étonnante. L’agilité avec laquelle le compositeur-instrumentiste use de la flûte accompagne l’ouverture de portes toujours changeantes qui témoignent de son inventivité inépuisable. Si la 2.0 s’avère un complice précieux, le souvenir de certaines collaborations se fait entendre, comme cette voix féminine en langue polonaise, par exemple, sur un étalement en écho des accords. Comment présenter le résultat ? c’est l’interprétation d’un musicien qui s’est emparé de ces œuvres plus radicalement que ses confrères. Là aussi la palette des jeux est au rendez-vous, mais la dimension s’en trouve largement décuplée.
Grondements d’orage et vol d’insectes impatients forment l’arrière-plan où arrive la Chaconne. Avec cet environnement sonore inédit, elle s’inscrit alors dans l’espace de la Nature, comme le suggère la photo du flûtiste, prise dans les bois à l’automne, à l’intérieur du packaging. Si l’approche de Marais pouvait sembler méditative, celle de Bach entre en résonnance d’une autre manière. Et soudain, la pluie renouvelle la fraîcheur de l’écoute, suivie par les oiseaux dont le dialogue paraît inspirer Bach ! Les trois dernières minutes de cette appropriation à la flûte d’un opus initialement destiné au violon renouent avec la pureté instrumentale.
AO