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Chroniques
récital Fuoco e Cenere
Pétrarque et la musique
Né en Toscane en 1304 et mort dans les monts Euganéens soixante-dix ans plus tard, François Pétrarque a toujours été considéré comme un des plus grands poètes italiens, sans parler de son rôle dans l'éveil de l'humanisme à la Renaissance. S'il a publié des livres de nature philosophique, de correspondances, de forme romanesque, il est surtout passé à la postérité pour sonCanzoniere, recueil de trois cent soixante-six sonnets, madrigaux, ou ballades dédiés à Laure, la femme aimée sans retour – le dernier poème étant, quant à lui, adressé à la Vierge (plage 8). Les plaisirs terrestres sont inconciliables avec la foi sincère de l'écrivain et, même si c'est pour survivre, il entre dans les ordres mineurs en 1326. Aussi peut-on peut mieux comprendre la mélancolie qui parcourt cet ouvrage, les allusions au temps et à la mort (l'ouvrage se divisant en deux parties, une sur la vie, l'autre sur la mort de Laure). S'il s'étonna souvent du succès de ces poèmes amoureux – qu'on prendra longtemps comme modèles –, Pétrarque les remania jusque dans les dernières années de sa vie. On peut bien le nommer, comme l'a fait Lamartine, « le plus accompli des poètes du sentiment ».
L'influence du poète fut énorme. On retrouve la trace de ce pétrarquisme européen en prêtant attention aux différentes nationalités des compositeurs réunis ici : italienne (des célèbres Monteverdi ou Palestrina jusqu'aux plus obscurs Festa, Stefani, Tromboncino, etc.), française (De Machaut, De Sermisy) ou franco-flamande (Dufay, Willaert), anglaise (Jones) et espagnole (Mudarra). Gentil mia donna mêle musiciens du XIVe au XVIe siècle, passages instrumentaux ou œuvres chantées (quatorze des vingt-trois morceaux de cet enregistrement sont tirés du Canzoniere) aussi spécifiques que la frottole, la villanella, le madrigal ou la chanson de style élisabéthain.
Coutumier d'un répertoire qui va du Moyen Âge à nos jours, il semble naturel que ce soit l'ensemble Fuoco e Cenere et son directeur artistique Jay Bernfeld qui aient collaboré à ce programme très varié, parfois même déstabilisant, dont le pivot est Guillemette Laurens. Si la mezzo-soprano est connue pour sa belle carrière au service du baroque, elle a déjà fréquenté les musiques plus anciennes (Hildegarde von Bingen). Elle peut dès lors donner plusieurs couleurs à son chant, âpreté de l'expression ou raffinement des ornements – Tutto il di Piango (plage 22).
LB