Chroniques

par laurent bergnach

récital Hae-Sun Kang
Blondeau – Boulez – Manoury

1 CD Klarthe (2020)
K 110
La violoniste Hae-Sun Kang joue Blondeau, Boulez et Manoury

Connue pour son engagement en faveur de la création, la violoniste Hae-Sun Kang réunit les Français Pierre Boulez (1925-2016), Philippe Manoury (né en 1952) et Sasha J. Blondeau (né en 1986) dans un programme de trois pièces dont elle fut la créatrice, où l’instrument dialogue avec l’électronique.

Pour Christian Merlin, « Anthèmesest révélateur de cette période de maturité où l’on sent Pierre Boulez soucieux de la perception par l’auditeur du parcours de l’œuvre » (in Pierre Boulez, Fayard, 2019) [lire notre critique de l’ouvrage]. Ce solo pour violon dédicacé au directeur des éditions Universal, Alfred Schlee, est créé à Vienne par Irvine Arditti en 1991. Il est ensuite retouché pour répondre au désir d’une pièce de concours de Yehudi Menuhin (1992). Déjà l’auteur de plusieurs œuvres avec électronique, dont …Explosante-fixe… qu’il révise une nouvelle fois à l’époque, le compositeur s’attelle alors à Anthèmes 2 en compagnie de Kang, nouvelle arrivée à l’Ensemble Intercontemporain. Cette page, dont la première eut lieu à Donaueschingen en 1997, ouvre le disque, offrant de nombreux moments nerveux et un arrière-plan plus méditatif.

« Ce qui m’intéresse beaucoup dans l’acte musical, c’est que le compositeur doit être le plus précis possible dans l’écriture de sa partition. Mais il faut que celle-ci soit aussi une proposition pour l’exécutant qui va l’interpréter » disait Philippe Manoury en 1998 (in La musique en questions, Aedam Musicae, 2020) [lire notre critique de l’ouvrage]. Soucieux d’allier rigueur et spontanéité, l’artiste a souvent privilégié l’électronique en temps réel, comme dans Partita II (Briançon, 2012) où l’interprète a le pouvoir de créer, commenter, contrepointer, modifier. C’est notre pièce préférée de l’album, sorte de voyage teinté de mystère, à travers différents climats et paysages.

Docteur en composition musicale du programme Ircam-Sorbonne Université-CNRS, Sasha J. Blondeau incarne une nouvelle génération fascinée par la mixité sonore – son calendrier du premier semestre 2021 témoigne de nombreuses alliances avec l’électronique (piano, violoncelle, quatuor à cordes, etc.). Il s’inspire des espaces topologiques pour un cycle ouvert avec Atlas I : In principio, suivit d’Atlas II : Ils portent en eux un passé qui s’immisce (La Grave, 2019), ici joué. La forme n’en est appréciable qu’à la toute fin, prévient son auteur (notice du CD), « lorsque l’on semble voir l’entièreté du “monde” traversé durant toute la pièce comme devant soi, comme totalité enfin visible (par les oreilles) ». C’est un opus tonique, volubile et aéré, qui permet de découvrir un peu plus ce créateur [lire nos chroniques des 8 février 2020 et 21 février 2014].

LB