Chroniques

par laurent bergnach

récital Karita Mattila
Duparc – Dvořák – Rachmaninov – Saariaho

1 CD Ondine (2007)
ODE 1100-5
récital Karita Mattila | Duparc – Dvořák – Rachmaninov – Saariaho

Parce qu'elle est une des créatrices les plus intéressantes de sa génération, puisque sa musique représente un quart de ce récital proposé à l'Opéra National d'Helsinki à l'automne 2006, accordons d'abord notre attention à Kaija Saariaho, laquelle rappelle la genèse d'une pièce dédiée à sa compatriote, et gravée ici pour la première fois :

« Dès le premier instant, quand nous avons parlé des mélodies, j'ai eu une idée très nette des émotions que j'ai voulu y introduire. Connaissant l'éventail expressif de Karita, j'ai imaginé un ensemble d'images contrastées que j'ai condensées en petits instants forts. Ce qui donne aussi le titre de la suite : Quatre instants. Que les instants soient liés aux visages variés de l'amour provient certainement des sensations que Karita a évoquées sur la scène en interprétant les rôles de différentes femmes amoureuses. […] Reproduire au piano les couleurs qui résonnaient dans mon esprit et exprimer une large échelle d'émotions par des lignes vocales dépouillées ressemblait au travail d'un orfèvre qui, avec sa loupe, fabrique un bijou riche en détails. J'ai écrit pour Karita des miniatures capables de contenir toute la force et toute la sensibilité que j'entends dans son chant. La partie de piano n'est pas un accompagnement mais elle prolonge musicalement le texte qui, souvent achemine simultanément de nombreuses idées musicales. »

D'abord à la recherche de textes en langue finnoise, la compositrice est revenue à un langage devenu familier, celui d'Amin Maalouf, librettiste de ses opéra L'Amour de loin [lire notre critique du DVD] et Adriana Mater [lire notre chronique du 10 avril 2006]. La création au Théâtre du Châtelet, le 2 avril 2003, fût appréciée de la critique d'alors comme du public d'aujourd'hui. On comprend pourquoi : après cinq chanson de Duparc tout en retenu, ciselées par un beau phrasé, Karita Mattila livre ces Instants dans un climat tendu, voire douloureux, où la voix occupe l'espace. Reconnaissons-le : la maîtrise du français et la justesse font parfois défaut, mais le sens du texte et celui de la nuance compense largement quelques dérapages, prouvant à nouveau qu'une grande carrière à l'opéra permet d'aborder les formes miniatures sans mièvrerie.

Toujours en compagnie du pianiste Martin Katz, la chanteuse poursuit son programme avec des mélodies russes de Rachmaninov et celles, tsiganes, de Dvořák (Opus 55 B.104), passant de climats délicatement introspectifs à d'autres plus expressifs, quoique tendres.

LB