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Chroniques
récital Katharina Persicke
Berg – Debussy – Wagner
Après des études à Dresde et Fribourg, puis différentes classes de maîtres (Fischer-Dieskau, Le Bozec, Malfitano, Schreier, Varady, Walker), le soprano Katharina Persicke se perfectionne depuis 2005 auprès de Stefan Haselhoff (Bâle), spécialiste du bel canto. L’incarnation de rôles célèbres (Pamina, Marguerite, La Comtesse) ne l’empêche pas de défendre des compositeurs plus inhabituels, tels Ben-Haim, Saariaho ou Sibelius, dont témoignent des enregistrements chez Helicon et Coviello. Aujourd’hui, en compagnie de la pianiste finlandaise Pauliina Tukiainen, elle propose un programme célébrant le postromantisme à l’assaut du XXe siècle.
Composé entre 1905 et 1908, en amont de la Sonate Op.1 [lire notre critique des CD Lioubimov et Kronenberg], Sieben frühe Lieder appartient à la période de formation d’Alban Berg (1885-1935), élève d’Arnold Schönberg à partir d’octobre 1904. Depuis l’adolescence, l’autodidacte fréquente la mélodie, et ses productions tiennent évident compte de l’héritage allemand (Strauss, Wagner), viennois (Mahler, Wolf) mais aussi français (Debussy). Les poètes choisis sont tout aussi variés, comme le prouvent les sept d’un cycle qui serait orchestré en 1928 (Hartleben, Hauptmann, Hohenberg, Lenau, Rilke, Schlaf et Storm). Si elle déçoit par certains aspects (souffle un peu court, aigus façon music-hall), l’interprétation de Katharina Persicke séduit par des qualités incontestables : limpidité, couleur (Schilflied, Liebesode), puissance et nuance (Sommertage). Sa consœur n’est pas en reste qui offre un piano au phrasé discret, sensible sans être maniéré, que peut gagner la flamboyance (Traumgekrönt).
Pour Claude Debussy (1862-1918) également, la grande partie des mélodies appartient aux années de formation, nécessaires à l’élaboration d’un chef d’œuvre tel Pelléas et Mélisande – résolument apprécié outre-Rhin [lire nos chroniques du 4 juillet 2015 et du 24 janvier 2015] – ou à d’autres malheureusement inachevés [lire notre chronique du 1er mars 2012]. Quatre pages forment Proses lyriques, écrites entre 1892 et 1893 d’après des vers libres volontiers hermétiques du Français lui-même, certain que la musique « c’est du rêve dont on écarte les voiles » (9 septembre 1892). Ici encore, les lacunes de la chanteuse (petit format, diction perfectible) ne suffisent pas à gâcher le plaisir d’entendre un soprano souple et tendre, sur fond de dentelle pianistique.
Connu pour être son propre librettiste, Richard Wagner (1813-1883) déroge à cette règle en choisissant de mettre en musique cinq textes de Mathilde Wesendonck, femme du mécène Otto Wesendonck qui l’héberge durant son exil dresdois. Laboratoire pour Tristan und Isolde (Munich, 1865), ce cycle est aussi un prétexte pour se rapprocher, dans une attirance réciproque, de l’épouse interdite à qui il écrit n’avoir jamais rien fait de mieux que ces Lieder (1858). Habitué à son orchestration, le mélomane oublie parfois que l’œuvre est prévue pour le salon. Sans ampleur excessive (Der Engel) mais emphatique au besoin (Schmerzen), poignantes avec trois fois rien (Im Treibhaus), nos deux artistes ne lorgnent pas vers l’opéra, offrant une fin de programme fort appréciée.
LB