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Chroniques
récital Lise de la Salle
Chostakovitch – Liszt – Prokofiev
Malheureusement, c'est aussi le rôle de la critique que de s'exprimer sur ce qui lui déplait. Et de même qu'il est convenu qu'elle justifie toujours ce qu'elle avance lorsqu'elle est enthousiaste, il faudra bien que nous nous expliquions sur les désagréments procurés par l'écoute de cet étrange enregistrement.
L'idée n'était pas mauvaise : proposer au mélomane trois premiers concerti – Liszt compose le sien à vingt-et-un ans, même s'il le révisa de nombreuses fois par la suite (S.124), Prokofiev écrit son Op.10 au même âge, tandis que Chostakovitch s'y attèle à vingt-sept printemps – sous les doigts de Lise de la Salle, une pianiste de dix-huit ans. Jusque là, tout va bien.
C'est lorsqu'on pose la galette dans le tiroir magique que les choses se gâtent… Outre que l'on s'étonnera des choix de la lecture de Lawrence Foster à la tête des musiciens de l'Orchestre de la Fondation Gulbenkian de Lisbonne, favorisant une approche chichiteuse assez exsangue, on ne saurait se satisfaire du jeu de la jeune Française, sans caractère ni expressivité, soit sans présence parce que sans propos, tout simplement.
L'artiste est très jeune, nous l'avons rappelé, déjà. Aussi, ce disque pose-t-il de nombreuses interrogations. Ne devrait-on pas laisser murir les interprètes plutôt que de les enregistrer lorsqu'ils ne sont pas encore à même de livrer un abord honorable de certaines œuvres, par exemple ? Ce disque ne rend service à personne, c'est certain, et laissera de Lise de la Salle un témoignage embarrassant.
Le résultat mérite un étiquetage au cabinet des curiosités, car l'on jurerait entendre une joyeuse transcription pour quatuor à cordes, timbales et machine à coudre de Poulenc du Concerto de Prokofiev, une bouffonne réorchestration de celui de Liszt par Offenbach, le plus truculent restant d'apprendre que le Concerto pour piano, trompette et cordes en ut mineur Op.35 de Chostakovitch serait un incunable d'Erik Satie !
Bref : nous conseillerons ce CD à tous ceux qui aiment à croire que Dufy eut pu avantageusement adapter Ensor (Chostakovitch), que Courbet aurait gagné à être digéré par Folon (Liszt) ou Filonov recouvert par Klein (Prokofiev).
BB