Chroniques

par françois cavaillès

récital Mara Dobresco
Beethoven – Hersant – Strasnoy – Vasks

1 CD Scala Music (2022)
SMU 003
La pianiste Mara Dobresco joue Beethoven, Hersant, Strasnoy et Vasks

« La passion de la musique est en elle-même un aveu », écrit Emil Cioran (1911-1995). Aussi le nouveau disque de la pianiste Mara Dobresco, intitulé Le fruit du silence, se montre-t-il révélateur de la sensibilité et de l’intelligence de l’interprète franco-roumaine. C’est grâce à la scène avec ses nombreux concerts ici et là, mais aussi grâce au récent confinement, source d’inspiration de cet album, que l’artiste semble avoir grandi jusqu’à faire œuvre d’ambassadrice culturelle à Paris.

En dépit d’un contexte mélancolique, rien d’austère, mais plutôt une ambiance crépusculaire où filent, comme un Orient-Express vers l’aurore, les dernières sonates pour piano de Beethoven. Plein de mélodie, l’opus 109 est saisi avec la souplesse requise et un admirable tempétueux Prestissimo. À l’inverse, sa sœur, l’opus 110 composé l’année suivante (1821), est lancée dans la nuit comme une pâle lueur, un très léger appel jusqu’à la remarquable fluidité et le rythme parfait pour clore le premier mouvement. Après le tapageur Allegro molto, le style châtié est tout trouvé par Mara Dobresco pour traverser telle une longue plaine l’Adagio, ma non troppo de ce poème d’immortelle sérénité et de vive agitation spirituelle.

Dans ce programme fructueux, fervent et solaire comme annoncé en couverture, manque l’ultime sonate de Beethoven, mais trois pièces de compositeurs actuels y trouvent place avec tout le respect, l’originalité et l’esprit souhaitables.

Tombeau de Monjeau, écrit tout spécialement par Oscar Strasnoy [lire notre entretien avec le compositeur], ressemble à un jeu d’énigmes courtes, à partir de variations sur quelques notes empruntées à la Sonate Op.109 de Beethoven et surtout avec un intéressant jeu de vibration évoquant de sourdes cloches. À la longue, grâce à l’art de la nuance dans le mouvement, l’impression laissée par les subtils échos est d’un extraordinaire lyrisme.

Également offert à la jeune pianiste et formé à partir de bribes de Beethoven, le Benedictus de Philippe Hersant paraît baigner dans le glauque tandis que Le fruit du silence de Pēteris Vasks oscille entre larmoyant et bouleversant en se voulant « une très silencieuse méditation ». Créée en 2013 par un chœur a cappella, cette musique révèle, dans sa transcription pour quintette avec piano par Vasks lui-même (2015), le savoir-faire éprouvé de Mara Dobresco à se fondre idéalement dans le collectif – Nicolas Dupont, Manon Galy (violons), Clément Holvoet (alto) et Kacper Nowak (violoncelle). L’œuvre complète fort bien ce récital.

FC