Chroniques

par stéphanie cariou

récital Marianne Fiset
Glinka – Moussorgski – Rachmaninov – Tchaïkovski

1 CD Analekta (2009)
AN 2 9962
récital Marianne Fiset | Glinka – Moussorgski – Rachmaninov – Tchaïkovski

Bien connu au Québec, le soprano Marianne Fiset offre un récital de mélodies russes parmi lesquelles les incroyables et trop rarement interprétés Chants posthumes de Modeste Moussorgski, des pièces de Mikhaïl Glinka, celles plus connues de Sergeï Rachmaninov, et la scène de la lettre extraite d'Eugène Onéguine. La voix de la chanteuse s'accorde parfaitement à cette variété de compositeurs qui ont chacun leur style propre, mais ont tous imprégné leur musique de l'âme russe. Pour Glinka, considéré comme le père spirituel de la musique savante nationale, « l'amour est toujours mêlé de tristesse ». Il a également dit : « C'est le peuple qui crée la musique. Nous sommes des arrangeurs à son service ».

Les six Chants posthumes sont accompagnés par les très belles couleurs de l'Orchestre Radio-Canada, dirigé par Jean-Philippe Tremblay. Marianne Fiset et ce dernier ont parfaitement compris cette musique et l'interprètent avec poésie, délicatesse, passion, sans excès. On passe du tragique au comique, de la superbe berceuse qui s'adresse à un enfant mort, à La Pie Bavarde ou Le Fauteur de Troubles, des romantiques Nuits et Où es-tu petite étoile à l'épique Sur le Dniepr. Membre du Groupe des Cinq (Rimski-Korsakov, Borodine, Cui et Balakirev), Moussorgski (1839-1881) était le moins marqué par l'écriture savante occidentale, son but étant avant tout de s'adresser au peuple russe.

Les mêmes qualités se retrouvent dans l'interprétation des mélodies de Rachmaninov (1873-1943) – dont le sublime Ne chante pas beauté – accompagnées par le piano fluide et coloré de Marie-Ève Scarfone. Plus récent, mais ancré dans la tradition romantique du dix-neuvième siècle, on retrouve dans sa musique les interrogations de ses aînés, notamment l'angoisse de la mort.

Glinka (1804-1857) a étudié en Allemagne, utilisant les techniques occidentales de composition (Italie, Allemagne, France) et le style populaire russe pour fonder la musique savante russe, que l'on retrouve dans ses opéras Une Vie pour le Tsar et Rousslan et Ludmilla. Toujours accompagné par le piano, le soprano chante magnifiquement les trois romances où se mélangent nostalgie et légèreté.

Jean-Philippe Tremblay et son orchestre retrouvent la chanteuse pour l'air de la lettre de Tatiana, signé Piotr Tchaïkovski (1840-1893). Ce dernier a beaucoup utilisé le style occidental pour l'intégrer aux formes typiques de son pays, même si Stravinsky l'a qualifié de compositeur le plus russe de tous. Toujours aussi bien soutenue par la direction de son compatriote, Marianne Fiset se révèle être une Tatiana potentielle, engagée et juste.

SC