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Chroniques
récital Nellie Melba
enregistrements américains (vol.2) 1909-1910
Au programme : Arditi (Se saran rose) – Bishop (Lo! Here the Gentle Lark) – Debussy (En sourdine) – Donizetti (Lucia di Lammermoor) – Gounod (Faust) – Hahn (D’une prison) – Händel (L'allegro, il penseroso ed il moderato) – Massenet (Don Cesar de Bazan) – Miller (Ye Banks and Braes o’ Bonnie Doon) – Moore (Believe Me, if All Those Endearing Young Charms) – Mozart (Le nozze di Figaro) – Puccini (La bohème) – Ronald (Down in the Forest, White Sea Mist, O Lovely Night) – Thomas (Hamlet) – Verdi (Otello, La traviata)
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Naxos publie l'ensemble des enregistrements réalisés en Amérique par la légendaire soprano Nellie Melba, lors de sa tournée de 1907 et de 1910, à la Manhattan Opera Company, dirigée par Oscar Hammerstein. Regroupé en trois CD (le troisième reste à paraître), l'éditeur anglais nous propose de retrouver la cantatrice âgée de quarante-six ans, mais ayant encore préservé une incroyable fraîcheur vocale. Certains de ces enregistrements n'ont jamais été publiés auparavant, en particulier, ceux contenus dans le second CD où l'artiste s'accompagne, elle-même, au piano, pour des mélodies anglaises, américaines ou françaises.
Celle qui débuta vingt ans auparavant à Bruxelles, en 1887 dans la Gilda de Rigoletto, est ici au faîte de sa gloire. Après de triomphales tournées dans l'Europe entière, son soprano suraigu virtuose faisait l'unanimité, grâce à une émission de voix sans aucun effort et une technique de souffle parfaite. Ayant déjà effectué plusieurs tours du monde, la prima donna assoluta, reine de Covent Garden où elle se produisait quasiment une fois par an, ne s'est jamais trop sentie à l'aise aux USA, où elle essuya ses seuls échecs en 1896 avec la Brünnhilde du Siegfried, au Met de New York.
Si ce n'était l'attrait irrésistible de cette nouvelle technologie d'enregistrement « The Victor Talking Machine », elle aurait eu bien du mal à revenir, à plusieurs reprises, honorer ses contrats en Amérique du Nord. C'est bien pourtant cette méthode d'enregistrement qui semble nous poser problème aujourd'hui, à l'ère du numérique. À en croire les spécialistes du sujet, Dame Nellie n'aurait pas été très gâtée dans l'aigu par la « Machine », contrairement à ses consœurs Amelita Galli-Curci, Rosa Ponselle ou Elisabeth Rethberg. Sa voix, plus que celle des autres, aurait été irrémédiablement trahie et gâchée par cette technologie.
C'est vrai que malgré une technique et une voix aux possibilités incroyables, ce qui nous est restitué finit par lasser le plus impénitent des amateurs lyriques, spécialement ses fameux suraigus caricaturaux émis de façon proprement insupportable. (Rigoletto, Traviata, Hamlet, volume 1) [lire notre critique du CD]. Chantant tout avec ce charme suranné et cette facilité incroyable, (Airs des bijoux de Marguerite), celle qui fut l'élève de la renommée Mathilde Marchesi, cède souvent à la facilité et au (très) mauvais goût, n'hésitant pas à rajouter jusqu'à l'excès des ornementations douteuses (Lucia, Don César, Hamlet – volume 2).
Avec d'innombrables portamenti véristes avant l'heure, de brutales coupures dans les airs, ad libitum, et de grandes libertés avec les partitions (Otello, Traviata), des notes tenues à l'infini, sans rapport avec l'intrigue, des vocalises pitoyables (Rigoletto), Melba ne nous aide pas, si ce n'est à imaginer ce qu'on pouvait entendre sur les plus grandes scènes internationales au début du siècle. À cet effet, les airs extraits de La Bohème et de Tosca (volume 1) – dont un duo avec Caruso – restent un témoignage extraordinaire de cette époque. La cantatrice compose des personnages très émouvants et retenus, comme si Puccini, encore vivant au moment des enregistrements, lui avait indiqué comment les interpréter. Elle ne cède jamais à sa facilité et contredit sa réputation de froideur et de boîte à musique mécanique.
Ces CD aux minutages généreux proposent donc une compilation d'airs d'opéra à la mode à l'époque, pour certains toujours à l'affiche aujourd'hui, d'autres, complètement oubliés comme le Don César de Bazan de Massenet. Si beaucoup d'airs sont présentés en double, c'est que Nellie Melba avait souhaité les réenregistrer trois ans plus tard, en 1910. De nombreuses mélodies de compositeurs rares complètent ces programmes, offrant à l'amateur spécialiste un legs d'une valeur incontestable. À réserver aux inconditionnels de la diva australienne.
MS