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récital Nicolas Baldeyrou
Berio – Boulez – Denissov – Donatoni – Lenot – etc.
L'école française de clarinette s'est internationalement imposée comme un gage d'excellence et de qualité. Chaque décennie voit éclore de nombreux talents, ainsi à la génération en or des Paul Meyer, Alain Damiens, Michel Arrignon, succèdent de nouveaux prodiges dont Nicolas Baldeyrou est le porte-drapeau. À l'instar de ses illustres aînés, le jeune artiste se consacre au grand répertoire, en tant que soliste à l'Orchestre National de France, et à la musique de son temps, avec la participation à des concerts d'ensembles spécialisés. Le présent programme, enregistré dans des conditions optimales dans des locaux de l'Ircam à Paris, se présente comme un parcours à travers la clarinette de 1919 à 2003.
De la famille des vents, la clarinette est assurément le plus versatile des enfants, et du klezmer aux musiques tsiganes en passant par le jazz, cet instrument sert à merveille tous les types et toutes les esthétiques. Des fondatrices Trois pièces pour clarinette solo de Stravinsky écrites en 1919 au Capriccio de 2003 de Tanguy, on est enchanté par la variété des climats créés par les compositeurs. Certains pièces, comme celles de Stravinsky, Donatoni (Clair) et Berio (Sequenza IXa), se jouent ostensiblement de la virtuosité de la clarinette, alors que d'autres, comme le désormais classique Domaines de Pierre Boulez, en explorent les timbres. On ne dira jamais assez à quel point le sage de Montbrison sait faire sonner cet instrument et l'on se délecte de chaque note de cette réalisation qui rejoint l'incroyable Dialogue de l'ombre double (pour clarinette et dispositif électro-acoustique) au rang des chefs d'œuvre de la musique de chambre du siècle dernier. La recherche sur le son est au centre de la Sonate pour clarinette en si bémol d'Edison Denisov et cette partition de 1972 émeut par la nostalgie de ses mélodies.
Nicolas Baldeyrou est aussi commanditaire de créations et ce programme présente, en première mondiale, Capriccio et Tormentoso. On ne présente plus Éric Tanguy qui s'impose œuvre après œuvre comme l'un des compositeurs français les plus farouchement indépendants. Son Capriccio, d'une structure très élaborée basée sur une échelle de sept notes, impressionne par sa science des timbres. Très tendu et virtuose, Tormentoso de Jacques Lenot apparaît comme sorti d'un opéra. Cet air pour clarinette et orchestre montre l'intérêt que les compositeurs portent à la clarinette en lui insufflant un sang neuf. Il va sans dire que Nicolas Baldeyrou se joue des difficultés des partitions ; avec une palette de nuances incroyables, il rend à merveille les différents tons de ces créations.
PJT