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Chroniques
récital Philippe Guilhon-Herbert
Prokofiev – Rimski-Korsakov – Stravinsky
Quand on évoque les Ballets russes, c’est tout un cortège de noms qui revient à la mémoire ; celui de musiciens rencontrés sur le sol d’adoption (Debussy, Ravel, Satie, Milhaud, Poulenc, etc.) ou emportés dans les bagages (Moussorgski, Rimski-Korsakov, Stravinski, Prokofiev), de danseurs (Nijinski, Balanchine, Fokine, Lifar) et de peintres (Matisse, Picasso, Braque, etc.) qui contribuèrent à des spectacles mythiques d’art total autant qu’à populariser « l’esprit russe ».
À l’âge de huit ans, le pianiste Philippe Guilhon-Herbert se frotte à ce dernier, non dans une salle de concert mais sur les bancs de la Cathédrale Saint Alexandre Nievski (Paris) où l’emmène sa grand-mère. « Je fus immédiatement fasciné par la majesté de la liturgie, confie-t-il, la richesse musicale des psaumes ainsi que la puissance toute intérieure de la cérémonie. […] Il y a dans la culture slave une profonde et chaleureuse ferveur, une certaine rigueur presque hivernale…, une force enracinée dans la spiritualité. » Au clavier d’un Fazioli, l’ancien élève de Beroff, Pascal et Pennetier propose de revisiter quelques partitions signées Sergueï Prokofiev (1891-1953), Igor Stravinsky (1882-1971) et Nikolaï Rimski-Korsakov (1844-1908).
Pour Philippe Guilhon-Herbert, les fééries pour ballet du premier apparaissent « aussi subtiles que brillantes », telle Six pièces de « Cendrillon » Op.102 (1944) dont il extrait Valse, Variation de Cendrillon et Amoroso. On apprécie d’emblée les qualités d’un jeu délicat (couleur, fluidité, relief) tout en regrettant que l’excès de rubato finisse par desservir un moment commencé dans une emphase mieux dosée. De la même façon, six extraits de Dix pièces de « Roméo et Juliette » Op.75 (1937) manque globalement de nerf (lenteur, lourdeur, mollesse) – ce qui nuit parfois au lyrisme attendu dans le parangon des histoires d’amour.
En revanche, entendre jouer ainsi Trois mouvements de Petrouchka (1921), « chef-d’œuvre de poésie comme de bravoure, où jamais l’exigence physique n’entame l’imagination »,est un plaisir sans mélange. Le pianiste, qui en peaufine l’interprétation depuis longtemps, offre au morceau le tempo et le relief nécessaires, vif comme une toupie, leste comme un chat. Sachant que l’artiste n’est pas rétif à la musique de son temps, on se prend à imaginer ses doigts aiguisés dans les trois sonates de Boulez…
Le programme s’achève avec deux extraits de Schéhérazade Op.35, adaptés par Philippe Guilhon-Herbert d’après la version pour quatre mains de son auteur. La mer et le vaisseau de Sindbad, en particulier, est une vraie source de dépaysement, dans lequel le soliste excelle à faire cohabiter intériorité et caractère épique, et même à transmettre le legato lyrique du violon original. Quant à lui, Le jeune prince et la jeune princesse est rondement mené. Tout ceci encourage à découvrir son programme Schubert, sorti depuis chez le même éditeur.
LB