Chroniques

par laurent bergnach

récital Quintette Aquilon
Eisler – Hindemith – Klughardt – Stockhausen

1 CD Crystal Classics (2013)
N 67 094

Dans un programme entièrement allemand, qui respecte la chronologie des compositeurs, découvrons tout d’abord le moins connu d’entre eux : August Klughardt (1847-1902). Pianiste, chef itinérant (Poznań, Neustrelitz, Lübeck) et directeur de la musique à la cour de Dessau, le natif de Köthen a connu une activité intense, en parallèle d’œuvres influencées en partie par sa rencontre avec Liszt. Celles-ci comprennent notamment quatre opéras (Mirjam, Iwein, Gudrun, Die Hochzeit des Mönchs), quelques symphonies et de nombreuses pièces de chambre allant du trio au sextuor.

Après le Quintette à vents en ut majeur Op.79, écrit autour de 1898, Klughardt revient à cette formation avec le Quintette en ut majeur Op.95 (1901) – « la plus heureuse contribution au genre […], réunissant à la fois substance et immédiate accessibilité », comme l’écrit fort justement Christoph Schlüren dans la notice du CD. Dans ces quatre mouvements largement allegro, qui échappent à la convention à mesure qu’apparaît l’influence de l’opéra italien, on apprécie d’emblée les qualités nombreuses d’Aquilon : présence et couleur, impact et nuance, esprit d’interprétation et virtuosité discrète.

Si son catalogue confirme un goût certain pour les cordes seules (quatuors, trios, sonates, etc.), Paul Hindemith (1895-1963), d’abord altiste d’un quatuor fondé avec le violoniste Licco Amar, les fait souvent dialoguer avec un ou plusieurs instruments à vents – Quintette Op.30 (1923), Octuor (1958). Ces derniers occupent exclusivement Kleine Kammermusik Op.24 n°2 (1922), pièce dénuée de sentimentalisme où les interprètes sont agiles à rendre une danse bancale (Lustig), une valse de cirque un rien grotesque (Walzer) ou une marche syncopée digne de Kurt Weill (Sehr lebhaft).

De même que son philosophe de père quitta Leipzig pour Vienne, Hanns Eisler (1898-1962) passe de l’enseignement de Karl Weigl (1881-1949) à celui d’Arnold Schönberg, professeur estimé à qui est dédié la Sonate pour piano Op.1 n°1 (1923). La même année, il livre ce Divertimento Op.4 avec thème et variations (moins de trente secondes chacune) où l’héritage dodécaphonique apparaît sans ambiguïté [lire notre critique du CD Musique de chambre]. À l’expressivité d’un apprenti habile répondent avec précision Marion Ralincourt (flûte), Claire Sirjacobs (hautbois), Stéphanie Corre (clarinette), Gaëlle Habert (basson) et Marianne Tilquin (cor).

Salué par une Anaclase!, ce récital original et maîtrisé s’achève avec Adieu (1967/1992) conçu par Karlheinz Stockhausen (1928-2007) pour accompagner le clarinettiste Wilhelm Meyer dans le deuil d’un fils mort sur la route. Évoquant par moments Scelsi et Ligeti, l’œuvre en quatre sections de séquences harmoniques évolue de la longue plainte monotone à une danse colorée de flammes, nourries de divers vibrations, hoquets et silences. C’est Clément Mao-Takacs qui dirige ici le deuxième des trois quintettes à vents laissés par l’auteur d’Inori [lire notre chronique du 10 février 2012].

LB