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Chroniques
récital Roderick Williams
Caplet – Debussy – Fauré – Honegger – Poulenc – etc.
Apprécié par les maisons d’opéra qui lui confient des rôles du répertoire (Billy Budd, Oneguine, Papageno, etc.) comme d’autres dans des œuvres écrites par ses contemporains (David Sawer, Sally Beamish, Michel van der Aa, Robert Saxton, Alexander Knaifel), le baryton Roderick Williams (né en 1965) se distingue également en récital. Grâce au label Champs Hill dont il savoure la liberté offerte d’enregistrer sans contrainte programmatique, il célèbre aujourd’hui la mélodie française, faisant côtoyer modèles du genre et raretés oubliées.
L’aîné des compositeurs réunis est Gabriel Fauré (1845-1924), lequel puise dans les vers symbolistes de Renée de Brimont la matière de quatre subtiles mélodies réunies sous le titre Mirages, et « qu’une longue fréquentation, loin d’en épuiser la substance, rend toujours plus riches, et plus attachantes » – dixit Jean-Michel Nectoux dans sa biographie du musicien [lire notre critique de l’ouvrage]. De Claude Debussy (1862-1918), Beau soir se distingue par sa brièveté et sa singularité au milieu de tant de cycles abordés par notre interprète, tels Don Quichottes à Dulcinée et Cinq ballades françaises, écrits respectivement par Maurice Ravel (1875-1937) et André Caplet (1878-1925) sur trois textes signés Paul Morand et cinq autres de Paul Fort. Les deux cycles d’Arthur Honegger (1892-1955), très appréciés par les Anglo-Saxons [lire notre critique du CD édité par Centaur], prouvent du désir profond de renouvellement que d’aucuns lui reconnaissent : nés au début des années quarante,Petit cours de morale et Saluste du Bartas font entendre un hommage aux belles années du café-concert, quant au premier, et des emprunts aux styles plus anciens (Renaissance, XVIIIe siècle), pour le second. Jean Giraudoux et Pierre Bédat de Monlaur en ont écrit les textes respectifs, tandis que c’est vers Guillaume Apollinaire et Max Jacob que s’est tourné Francis Poulenc (1899-1963) pour Deux poèmes et Parisiana. Enfin, Roderick Williams emprunte à Paul Verlaine les mots des quatre pages formant Les ténèbres de l’amour (1995), dédié à son commanditaire et confrère Henry Wickham.
Chez Roderick Williams [lire nos chroniques de Triumph of Beauty and Deceit, After life, Die Jahreszeiten, Mysteries of the Macabre, Israel in Egypt et Blank out], on apprécie une couleur idéale et un charme naturel qui mettent en valeur le répertoire choisi. Son chant moelleux aux aigus suaves, au phrasé généreux, recèle quelque chose d’inventif, dans une langue dont il possède les subtilités si l’on considère la précision de l’ouverture des phonèmes (« Sous les lauriers et les cyprès », etc.), ou encore des consonnes jamais suraccentuées. Attentif à la mélancolie d’une page, à la gouaille d’une autre, l’artiste sait nuancer son expression avec style, offrant nombre de surprises. Son complice Roger Vignoles se distingue notamment chez Caplet, amateur de piano solitaire, mais sait se faire remarquer partout ailleurs par un travail aquarelliste ou tachiste, par des échos de cloches ou de clavecin. Ce duo ayant convaincu notre rédaction dans un programme original et maîtrisé, l’enregistrement se voit distingué d’une Anaclase!.
LB