Chroniques

par laurent bergnach

récital Sarah Traubel
Korngold – Liszt – Mahler – Strauss

1 CD Aparté (2022)
AP 288
Sarah Traubel chante des Lieder signés Korngold, Liszt, Mahler et Strauss

Native de Mannheim (Allemagne) où elle fit ses débuts à l’âge de dix-sept ans, Sarah Traubel a étudié dans différents coins du monde (Berlin, Salzbourg, New York), auprès de différents professeurs (Barbara Bonney, Angelina Kirchschager, Danielle Borst, etc.). Aujourd’hui, elle se félicite de rencontrer le pianiste Helmut Deutsch qui, grâce à des qualités humaines et artistiques, éclaire son chemin vers le Lied – « l’expérience la plus intime que l’on puisse faire en tant que chanteuse » (notice du CD).

Si Brahms ou les époux Schumann trouvèrent chez Friedrich Rückert (1788-1866) matière à quelques mélodies, le nom du poète et orientaliste allemand reste attaché à celui de Gustav Mahler qui livra Kindertotenlieder et Rückert-Lieder dans les premières années du XXe siècle. Contrairement à l’idée reçue, le second titre ne forme pas un cycle de cinq pièces, ce qui autorise nos interprètes à repousser Um Mitternacht, qui ne conviendrait pas à une voix élevée et lumineuse comme celle de Sarah Traubel. Cependant, le chant assez lisse, à la diction anémiée, ne comble pas le mélomane qui attendait une diseuse, comme il est d’usage dans ce genre musical. De fait, on s’intéresse plus à Helmut Deutsch, pianiste au toucher de velours, au phrasé très vocal.

Franz Liszt est le transcripteur fameux de pièces vocales de Schubert, mais s’avère moins célèbre pour ses propres Lieder, au nombre de quatre-vingts environ. Bien qu’admiratif du beau-père de Wagner depuis l’adolescence, Helmut Deutsch admet leur qualité variable : « les Lieder les plus réussis de Liszt ne représentent que des cas isolés, mais ce sont alors parmi les meilleurs qui existent dans le genre » (ibid.). Les cinq pages proposées confirment ce que nous pressentions : le soprano possède un joli flux, mais maniéré, étroit et pauvre en legato qui rappelle assez celui d’Elisabeth Schwarzkopf. De plus, le chant manque d’émotion, voire d’intention, rendant chaque Lied assez semblable au précédent.

D’Erich Wolfgang Korngold, le prodige viennois banni par les nazis et jugé démodé à son retour d’Hollywood, on connaît les ouvrages lyriques plutôt que les pages brèves. Drei Lieder Op.22 (1930), dédié à sa mère, et Unvergänglichkeit Op.27 (1937) appartiennent aux années heureuses. Mais là encore, c’est sans chair, sans passion, sans volupté que sont offertes ces raretés… Le programme s’achève avec Vier letzte Lieder Op.150 (1948) dont Christian Goubault écrit : « c’est bien là l’épilogue d’un siècle et demi de lieder allemands et un adieu à la vie à la fois touchant et serein, sensuel et grandiose » (in Richard Strauss, bleu nuit éditeur, 2008). Hélas, ce dernier moment est gâché par deux artistes contemplatifs de leur propre travail, dans une pâmoison désolante.

LB