Chroniques

par laurent bergnach

récital Silke Avenhaus et Quirine Viersen
Barber – Pfitzner – Weill

1 CD Et’cetera (2012)
KTC 1315
récital Avenhaus (piano) et Viersen (violoncelle)

Ancienne élève de Jean Decroos, Dmitri Ferschtman (Amsterdam) et Heinrich Schiff (Salzbourg), récompensée par de nombreux prix internationaux – dont un au prestigieux Concours Tchaïkovski de Moscou en 1994 –, la violoncelliste Quirine Viersen est une artiste très demandée, qui forme un duo privilégié avec la pianiste Silke Avenhaus. Avec celle qui a étudié auprès de Bianca Bodalia, Klaus Schilde (Munich), György Sebök (Bloomington), Sándor Végh et András Schiff, elle s’est produite sur la scène internationale de nombreuses fois depuis 1996 et a déjà enregistré cinq disques incluant des œuvres de compositeurs romantiques et contemporains. Jouant aujourd’hui un Guarneri de 1715 mis à sa disposition par la Nationaal Muziekinstrumentenfonds, la Néerlandaise s’intéresse à trois créateurs ayant écrit leur sonate autour de leur vingtième année.

Hans Pfitzner (1869-1949) est l’aîné du programme. Résolument romantique au point de dénigrer les innovations – la musique atonale « impuissante » de Schönberg, en particulier, et celle de Busoni –, le futur directeur du conservatoire et de l’opéra de Strasbourg (dans les années dix) termine à peine ses études francfortoises quand il livre sa Sonate pour violoncelle en fa dièse mineur Op.1 (1890), à la recherche de « sons passionnés, nourris et dans un style noble ». Les climats explorés y sont certes riches en contrastes – sombre, douloureux, tendre ou bondissant – mais l’ensemble manque de profondeur, à l’instar d’une opérette chambriste. Notons qu’avec la même régularité qui le mène à l’écriture de quatre quatuors entre 1886 et 1942, Pfitzner revient au violoncelle dans de nombreux concerti : celui de 1888, les opus 42 (1935) et 52 (1944).

Au terme de son adolescence, Kurt Weill (1900-1950) n’est pas encore l’élève de Busoni mais celui d’Humperdinck, et se nourrit de Wagner à défaut de Brecht, tout en affichant un fort désir d’autonomie et de probité – « Je veux arriver au point où je ne compose que quand je le dois, quand cela vient directement du fond de mon cœur ». De cette période marquée par un romantisme tardif, à cheval entre Reger et Schönberg, sont conservés quelques Lieder, un quatuor à cordes (1918) [lire notre chronique du 6 octobre 2009] et la Sonate pour violoncelle (1920). Amorcée avec un lyrisme non dénué d’expressivité, l’œuvre s’oriente vers un final Allegro assai où perce un grotesque débonnaire – de concert, regrettons-le, avec l’aigu trop tendu des cordes.

Romantique dans l’âme à l’écart des expérimentations de ses contemporains, Samuel Barber (1910-1981) fait d’abord créer sa Sonate Op.6 lors de sa dernière année d’études, à Philadelphie, avant de la réécrire quatre ans plus tard (1932) à Rome. Écrivant de manière plus instinctive qu’intellectuelle, l’Américain déjoue les attaques : « on dit que je n’ai pas de style propre, mais cela ne me touche pas. Je continue tout simplement à faire mon truc, comme on dit. À mon avis, cela demande un certain courage ». Ses trois mouvements séduisent par leur nature élégiaque, délicate voire languide, secoués ici et là d’épisodes plus vifs et passionnés.

LB