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Chroniques
récital Tamsin Waley-Cohen
Bartók – Benjamin – Carter – Kurtág – Penderecki
Élève du Royal College of Music, à Londres, où elle est née en 1986, Tamsin Waley-Cohen étudie avec Itzhak Rashkovsky, remporte de nombreux prix, et commence à enregistrer des disques qui témoignent de son attachement aux XXe et XXIe siècles. Ce furent d’abord Debussy, Elgar, Respighi et Sibelius, joués avec le pianiste Huw Watkins (SIGCD 376), puis Vaughan Williams et de nouveau Elgar, en compagnie d’Orchestra of the Swan (SIGCD 399). Aujourd’hui, la voici seule avec son violon, dans des pièces où la technique sert l’expression d’une certaine intensité – qu’elle soit douleur, extase, doute, solitude, mais aussi consentement, voire paix.
Deux des cinq compositeurs au programme sont aujourd’hui décédés, nés au tournant d’un autre siècle que le nôtre. Juste avant le diagnostic d’une leucémie myéloïde chronique qui l’entraîne vers la mort, Béla Bartók (1881-1945) écrit d’une traite, entre mi-février et mi-mars 1944, la Sonate Sz.117 commandée par Yehudi Menuhin ; elle est offerte au public du Carnegie Hall le 26 novembre suivant. « C’est vraiment un grand artiste, confie le Hongrois après avoir entendu l’élève d’Enescu dans sa Sonate Sz.75 n°1, il a joué au même concert la Sonate en ut majeurde Bach avec grandeur et classicisme » (17 novembre 1943). On aime le contraste qu’y cultive Tamsin Waley-Cohen, l’âpreté et la rugosité mise en relief sans acharnement.
Attaché au répertoire soliste, Elliott Carter (1908-2012) enrichit ceux pour guitare (Changes, Shard), violoncelle (Figment I et II), harpe (Bariolage) et violon. En amont de Mnemosyné (2011), le Nord-Américain lui consacre Four Lauds, un cycle de pièces isolées inauguré avec Riconoscenza per Goffredo Petrassi (1984), dont nous entendons Statement – Remembering Aaron (1999) et Rhapsodic Musings (2000) – courts hommages à Aaron Copland et à Robert Mann, membre fondateur du Quatuor Juilliard. La virtuosité de l’interprète s’apprécie dans ces courtes pièces avant tout toniques et nerveuses.
De György Kurtág (né en 1926), c’est un cycle complet que Waley-Cohen choisit d’interpréter. Six miniatures regroupe de courts hommages variant de trente secondes à six minutes (Cage, Blum, Bach, etc.), écrits durant plusieurs années (de 1987/1991 à 2005). En jouer ne serait-ce qu’une seule s’avère, selon la violoniste, « un baume merveilleux », lequel enduit l’auditeur par ricochet, bien sûr.
Durant les années quatre-vingt, Krzysztof Penderecki (né en 1933) s’éloigne toujours plus du sérialisme de ses débuts, vers un style plus sobre, néoromantique, qu’on lui connaît depuis – les étapes marquantes se nomment Passion selon saint Luc (1966) [lire notre critique du CD] et Die Teufel von Loudun (1969) [lire notre chronique du 5 mars 2013]. Cadenza (1984) dérive d’une version pour alto. La page commence dans une certaine tristesse de surface et se poursuit avec des enhardissements, des sursauts qui n’excluent pas la plainte.
George Benjamin (né en 1960) signe Trois miniatures (2001), le dernier recueil au programme. Dédiées à des proches (Jagdish Mistry, Sally Cavender, Klaus Lauer), ces pièces sont, pour le musicien, « différentes facettes de la même technique compositionnelle ». Ondoyante comme il se doit, mais assez sombre, la berceuse initiale mène au cœur du triptyque qui s’apparente à un petit chaos, avant que n’apparaissent, pour conclure, des pizzicati pluvieux qui persistent même avec le retour de l’archet.
LB