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Chroniques
récital Trio Pacific
Bloch – Korngold – Zemlinsky
Fondé à Los Angeles en 1979, le Trio Pacific voit le jour grâce à John Walz, ancien élève du violoncelliste Pierre Fournier, et à Edith Orloff qui étudia le piano avec Earle Voorhies. Par ailleurs membre du Quatuor Angeles de 1988 à 1993, le violoniste Roger Wilkie est le troisième larron d’une formation qui a déjà enregistré les compositeurs d’Europe de l’Est (Dvořák, Smetana) et ceux de son propre pays (Gershwin, Copland, etc.). Aujourd’hui, ils mettent en avant trois musiciens de tradition germanique, mis à l’index par le Nationalsozialismus : Zemlinsky, Bloch et Korngold.
Héritier de Mahler et Strauss, l’Autrichien Alexander von Zemlinsky (1871-1942) est le symbole même d’un postromantisme expressionniste. Étudiant au conservatoire de Vienne avant de diriger le Deutsches Landestheater de Prague (1911-1927), ami de Schönberg avant qu’il ne devienne son beau-frère, l’auteur d’un Der König Kandaules inachevé s’exile aux États-Unis en 1938, pays où il meurt quasiment ignoré [lire notre critique du CD]. Inspiré par l’opus 114 de Brahms dont il reprend certains thèmes, le Trio en ré mineur Op.3 (1896) comporte à l’origine une clarinette, instrument auquel Zemlinsky n’est pas vraiment attaché. Si ses trois mouvements laissent froids – assez verbeux pour désigner comme modèle l’auteur de quatre symphonies [lire nos chroniques des 13 et 20 avril 2012], souvent préféré dans la brève durée du Lied [lire notre critique des CD Lemieux et Polaski] –, nous goûtons néanmoins à la clarté du piano, à la suavité du violon.
Né, quant à lui, en Suisse, Ernest Bloch (1880-1959) étudie le violon (Rey, Ysaÿe) et la composition (Knorr) à travers l’Europe. Son histoire avec l’Oncle Sam est moins douloureuse que celle de son aîné viennois puisque, installé en 1916 et naturalisé en 1924, il intègre des institutions à Cleveland (1920-1925), San Francisco (1925-1930), puis Berkeley (1940-1952), suite à un retour sur le Vieux continent contrarié par la politique. Dans une œuvre largement néoclassique, inspirée de thèmes hébraïques sans viser à l’archéologie – Schelomo (1916), Baal Shem (1923), Abodah (1929), etc. –, on trouve ces Trois nocturnes (1924) qui durent moins de dix minutes. Flottant et impressionniste, l’Andante ouvre sur la berceuse paradoxalement solaire de l’Andante quieto, lequel permet d’apprécier de moelleuses attaques au violoncelle. Dans un rythme quasiment folklorique, ce dernier annonce un Tempestoso véhément autant qu’inquiet.
Le programme se clôt avec Erich Wolfgang Korngold (1897-1957), le benjamin, salué comme « le plus grand espoir de la musique allemande », « un jeune aigle » voire « un génie », respectivement par Puccini, Sibelius et Mahler. Connu d’abord pour ses ouvrages lyriques puis ses musiques de film – lorsqu’il travaille à Hollywood, entre 1935 et 1955 –, le natif de Brno n’a pas négligé le domaine chambriste [lire notre chronique du 5 novembre 2009]. Créé à Munich, le Trio en ré majeur Op.1 (1910) témoigne du talent d’un musicien précoce, à une époque où Korngold étudie avec Zemlinsky. Manquant d’abord de finesse et d’esprit, les interprètes gagnent finalement en humour et désinvolture dans une page encore largement straussienne.
LB