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Chroniques
Riccardo Zandonai
Francesca da Rimini | Francesca de Rimini
Comme nombre de compositeurs né en fin de siècle, Riccardo Zandonai (1883-1944) manifeste son originalité en s'inspirant de ses aînés et en jaugeant les temps nouveaux. Aussi, ne s'inscrivant dans la lignée de quiconque, sa musique recèle des influences majeures, comme celle de Wagner – le compositeur est originaire de la région du Trentin (Italie septentrionale) alors intégrée à l'Empire austro-hongrois –, la tradition vocale défendue par Verdi – utile à dépeindre des univers masculins gouvernés par l'ambition et le pouvoir –, mais aussi les horizons symphoniques de Strauss, Debussy, Ravel, Honegger, etc. La couleur transparente de l'orchestre français apparaît d'ailleurs à maints endroits de Francesca da Rimini, créé au Teatro Regio de Turin, le 19 février 1914, d'après l'ouvrage publié par Gabriele d'Annunzio (1901), « poème de sang et de volupté ». À la tête de l'Orchestra Filarmonica Marchigiana, Maurizio Barbacini excelle à sublimer différents climats qui cohabitent, dynamisant ceux de nature buffa ou épique, et livrant avec délicatesse le temps suspendu des amants.
De quatre mille vers empreints de décadentisme, Tito Riccordi (fils de l'éditeur réputé) a supprimé les expressions d'un lyrisme excessif et emphatique, recentrant l'œuvre autour de l'histoire d'amour de Francesca, dans l'Italie du XIIIe siècle. Victime d'un mariage arrangé avec Giovanni Le Boiteux, confrontée aux commentaires innocents mais douloureux de ses suivantes, la jeune femme est bien à plaindre, d’autant qu’elle tombe sous le charme de son beau-frère Paolo Le Beau. Ce coup de foudre réciproque rappelle l'amour irrépressible de Tristan und Isolde – on s'y réfère de façons diverses : guet d'un retour attendu, dénonciation d'un jaloux, comparaison de la passion à une tempête épuisante sur une mer sauvage, etc.
Captée en 2004 aux arènes du Festival d'Opéra de Sferisterio, la mise en scène de Massimo Gasparon joue l'épure en présentant, au centre de la scène, une tour en coupe qui sert tantôt de muraille au temps des batailles, tantôt d'alcôve protégeant la liaison coupable. Si la captation de cette production n'est pas d'une qualité optimale, elle permet cependant de repérer quelques artistes talentueux (et sonorisé) : Daniela Dessi, au chant nuancé et sombre – nous rappelant le rendez-vous manqué de la Callas avec le rôle-titre, à Milan, il y a juste cinquante ans –, Fabio Armiliato en Paolo discrètement corsé et souple malgré quelques aigus tendus, ainsi que L'Udovit Ludha, incarnant avec vaillance Malatestino, l'adolescent pervers.
SM