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Chroniques
Richard Strauss – Richard Wagner
Ein Alpensinfonie – Götterdämmerung (extraits)
La discographie de Franz Konwitschny, surtout dans ses vingt dernières années, s'est plus développée dans les pays de l'Est qu'en Europe de l'Ouest. Heureusement, plusieurs de ses directions d'orchestre, gravées dans les années cinquante pour EMI et Philips, sont encore disponibles (Tannhäuser dans la version de Dresde, une monumentale Eroica, etc.). Il enregistra également pour Urania Records, le label new-yorkais qui finit par disparaître, et dont quelques-uns des trésors sont aujourd'hui remis sous presse par Urania Italia.
Dans la seconde moitié du XXe siècle, l'interprétation de la musique instrumentale de Richard Wagner et Richard Strauss a subi une singulière métamorphose. En écoutant les approches de chefs depuis longtemps disparus – tels Clemens Krauss, Karl Böhm, Bruno Walter, ou Wilhelm Furtwängler –, on note que la majesté, la grandiloquence de ces partitions sont rarement poussées à l'extrême. Dans ces anciens enregistrements, c'est une certaine modestie qui se dégage ; une progression modérée est de circonstance contrairement à l'urgence plus catégorique qui animera les cadets Georg Solti, Herbert von Karajan ou Rudolf Kempe. Aussi, Konwitschny mène-t-il sans précipitation ni tension particulière cette imposante Alpensinfonie (1915) de 1952, toujours avec un grand calme. Le Münchner Staatsoper Orchester – la célèbre formation qui créa plus d'une œuvre de Strauss – répond à merveille à la volonté d'ascétisme du Maestro. On appréciera la belle dynamique de cette lecture, les intéressants effets de contrastes et de couleurs, et la grande cohérence du propos général.
S'il paraît évident que le lever du jour sur la montagne soit largement inspiré par les premières mesures de Rheingold, de même que l'on retrouve plus loin dans l'œuvre les cloches alpestres de la Quatrième de Gustav Mahler, on ne sera pas surpris d'entendre sur ce disque trois extraits de Götterdämmerung. Konwitschny n'aborde pas la solennité de ces pages comme une méditation sur un monde dévasté par la toute récente guerre, comme le firent nombre de ses confrères à l'époque. Il ne croyait pas, après les erreurs de la nazification de Bayreuth, que la musique de Wagner pût ou dût être rediscuté, et semble l'aborder avec le calme du maître de maison soumis à un environnement familier. Serein, il impose une version sereine qui n'entend pas accepter le désastreux épisode de l'histoire comme devant influencer l'interprétation d'un chef-d'œuvre antérieur à celle-ci. En clair : il sert la partition sans tenter une réhabilitation qui n'a pas lieu d'être. Sous sa baguette, le Voyage de Siegfried sur le Rhin sonne presque scandaleusement enthousiaste dans ce contexte, de même la déploration de la grave Marche funèbre regrette-t-elle tout simplement son héros, sans fausse pudeur ni transfert de culpabilité, et l'Immolation de Brünnhilde n'a-t-elle rien de douteux qui vienne troubler la jubilation du sacrifice volontaire. On admirera avant tout le sens dramatique et l'énergie évidente avec laquelle le chef s'engage dans ces extraits.
HK