Chroniques

par laurent bergnach

Richard Strauss
Vier letzte Lieder Op.150 – Ein Heldenleben Op.40

1 CD Deutsche Grammophon (2014)
479 3964
Barenboim joue Ein Heldenleben et les Vier letzte Lieder de Richard Strauss

Le 11 juin 2014, on fêtait les cent cinquante ans de Richard Strauss (1864-1949) [lire notre chronique du 11 juin 2014]. Compositeur adulé, il fut aussi directeur musical de la Staatskapelle Berlin qu’il dirigea près de mille deux cents fois (1899-1919), sur les traces de Spontini et Meyerbeer, et ouvrant la voie à Krauss, Karajan et Barenboim. C’est ce dernier qu’on enregistrait à la Philharmonie de Berlin, le 31 août, dans le cadre d’un concert caritatif en faveur de la Staatsoper Unter den Linden en cours de restauration. Au programme : Ein Heldenleben Op.40 et les Vier letzte Lieder Op.150.

Avant de consacrer à l’opéra une bonne part de son énergie, de Guntram (1894) à Capriccio (1942), le natif de Munich trouve son bonheur à concevoir des poèmes symphoniques. Plusieurs Tondichtungen se succèdent ainsi sur une quinzaine d’années, d’Aus Italien Op.16 (1886) à cet Ein Heldenleben Op.40, créé le 3 mars 1899 – pour mémoire, Marc Albrecht avait réuni sur un même disque Don Juan Op.20 (1889), Tod und Verklärung Op.24 (1891) et Till Eulenspiegel Op.28 (1895) [lire notre critique du CD]. Strauss ébauche au même moment Don Quixote Op.35 (1898), si bien que les deux œuvres sont perçues comme complémentaires et parfois jouées ensemble, comme le fit Daniel Barenboim à la Salle Pleyel (Paris), le 2 juillet dernier.

À la tête de sa Staatskapelle Berlin abritant le violoniste Wolfram Brandl, le chef argento-israélien interprète donc ce poème symphonique en neuf parties qui met en scène le compositeur lui-même – comme plus tard sa Sinfonia domestica Op.53 (1904), dédiée à femme et enfant. Si quelques passages délicatement chambristes relancent l’intérêt, on est assez déçu par une lecture où la lenteur l’emporte sur la tonicité, la lourdeur sur l’ampleur. De ce même opus, on connaît des approches plus chatoyantes, telle celle du tout jeune Cornelius Meister, pour ne citer que l’actualité discographique (Cappricio).

Plus de deux cents chants ponctuent la longue carrière de l’auteur d’Ein Alpensinfonie [lire notre critique du DVD]. Après deux années de travail, les Vier letzte Lieder Op.150 (1950) forment l’aboutissement de cette production, créés par Flagstad et Furtwängler à Londres. Ici, c’est Anna Netrebko qui s’empare d’un testament nourri de « moments musicaux fragiles et pourtant hautement expressifs » (dixit Detlef Giese), avec un soprano engagé, facile et généreux. S’il manque parfois de fluidité et de ciselures, Barenboim a l’avantage d’être à l’écoute d’une partenaire d’un lyrisme absolu, osant respirer avec douceur et discrétion.

LB