Chroniques

par stéphanie cariou

Richard Strauss
Ariadne auf Naxos | Ariane à Naxos

1 DVD TDK (2007)
DVWW-OPAAN
Ariadne auf Naxos, opéra de Strauss

Après celle dirigée par Karl Böhm et enregistrée à Salzburg en 1965 [lire notre critique du DVD], voici une seconde production d'Ariadne auf Naxos, opéra néoclassique de Richard Strauss, filmée par TDK – cette fois à l'opéra de Zürich. Pour rappeler brièvement le synopsis, un jeune compositeur doit présenter son premier opéra ayant pour thème la solitude d'Ariane, personnage de la mythologie grecque, à un puissant homme de Vienne. Cet opéra doit être suivi d'un épilogue amusant utilisant des personnages de la Commedia del'Arte (Arlequin, Scaramouche, etc.). À la demande du mécène, les deux œuvres fusionnent en une seule dans laquelle l’héroïne abandonnée par Thésée songe à la mort avant d’être réconfortée par la soubrette Zerbinette et de tomber amoureuse du dieu Bacchus. Ce mythe célèbre a inspiré plusieurs éminents compositeurs tels que Monteverdi, Händel, Massenet, Milhaud, Martinů, etc.

Le librettiste n'est autre que le poète autrichien Hugo von Hofmannsthal qui écrivit plusieurs fois pour Strauss : Elektra, empruntant à un autre mythe grec, traité alors de manière expressionniste, Le Chevalier à la Rose appartenant également à la période néoclassique et La Femme sans ombre qui demeure une œuvre fabuleuse et inclassable. La composition d'Ariadne, opéra atypique, devant d'abord servir d'intermède au Bourgeois Gentilhomme de Molière, adapté par Strauss en allemand, ne fut pas de tout repos. Hofmannsthal reprochait au compositeur des erreurs stylistiques dans Rosenkavalier, trouvant la musique trop clinquante. Le musicien doutait de l'intelligibilité de l'action, lui reprochant un manque de piquant. L'accueil réservé à la création, à Stuttgart le 25 octobre 1912, fut plutôt froid. L'œuvre fut remaniée pour être recréée à Vienne en 1916, connaissant cette fois un grand succès, ce qui valut à Strauss d'être nommé citoyen d'honneur de la ville de Naxos.

Le metteur en scène Claus Guth a choisi de transposer l'action dans un grand restaurant de Zürich, la Kronenhalle, lieu mythique à la très belle salle boisée, symbolisant à la fois le passé et le présent de la ville. Les éclairages rendent compte des différents moments de la journée. Le Prologue se déroule devant un rideau bleu. La direction d'acteur est vivante et fouillée, son maître d'œuvre donnant à la pièce l'aspect d'une tragédie, suggérant le rapport à la mort de manière explicite.

La distribution féminine est remarquable. Michelle Breedt, mezzo-soprano rond et chaleureux, est un Compositeur particulièrement investi, sensible et tourmenté. Emily Magee, soprano lumineux et ample, est une Prima Donna expressive, aussi bien dans ses attitudes amoureuses qu'outragées, puis une Ariane élégante et fragile dans son tailleur noir. Elena Mosuc, dans sa robe verte, est une superbe Zerbinette, piquante et fine, sans caricature, dotée d'une voix agile et fournie. Elle effectue ses vocalises de manière un peu tendue, pour commencer, puis avec plus de facilité, terminant sur un très bel aigu qui lui vaut d'être ovationnée par le public. Signalons un trio de Nymphes aux timbres rayonnants et homogènes.

Du côté des hommes, Michael Volle campe un Maître de musique au timbre un peu frustre, mais d’une belle présence scénique, illustrant parfaitement l'autorité du personnage. Guy de Mey donne un Maître de danse ironique au timbre agréable. Les autres chanteurs – incarnant Scaramouche, Truffaldino et Arlequin – sont corrects. Interprétant Bacchus, Roberto Saccà est parfaitement crédible ; le timbre est riche, un peu tendu. Christoph Von Dohnányi tire de l'Orchestre de l'Opéra de Zürich une superbe pâte sonore, généreusement colorée, servant au mieux l'esthétique de l'œuvre.

SC