Chroniques

par laurent bergnach

Richard Wagner
Lohengrin

2 DVD Deutsche Grammophon (2006)
00440 073 4176
Richard Wagner | Lohengrin

Nourri de ses diverses lectures de l'été 1845, Richard Wagner (1813-1882) compose Lohengrin de 1846 à 1847, s'attelant d'abord au troisième acte de septembre à mars, au premier de mai à juin, et terminant le second au mois d'août. En 1849, alors que son éditeur refuse déjà de faire les frais de cette nouvelle publication, l'Opéra de Dresde n'a toujours pas programmé l'œuvre. Pire encore, voilà le compositeur obligé de fuir pour avoir soutenu les Dresdois dans la courte révolution de mai – soubresaut destiné à faire accepter au roi une nouvelle Constitution, et réprimé par l'armée prussienne. En avril 1850, exilé à Zurich où il est « pris d'un sentiment de profonde détresse à l'idée que les sons inscrits sur ce papier d'une mortelle pâleur ne seraient jamais entendus », Wagner supplie Liszt de faire jouer l'opéra. Chef d'orchestre à Weimar, celui-ci répond que tout sera mis en œuvre pour monter l'ouvrage. Effectivement, dès le 28 août, Lohengrin rencontre le public du Grosses Fürstiches Hoftheater.

Régulièrement présenté au Metropolitan Opera depuis 1883, ce chef-d'œuvre romantique en était à sa 597ème représentation quand eut lieu cet enregistrement, en 1986. La mise en scène d'August Everding – connue depuis novembre 1976 – respecte le décor d'une action située à Anvers dans la première moitié du Xe siècle. Du fils de Parsifal, rédempteur venu d'un monde meilleur, Everding envisage qu' « il offre, en se faisant le champion d'Elsa, une chance à notre planète salie. Elsa le trahit, et nous avec, simplement parce qu'elle est humaine, et Lohengrin doit partir ». L'absence de nacelle et de cygne dans cette production, au profit d'un ciel éclairé, élimine l'effet kitsch et actualise l'effet surnaturel de l'apparition.

Saluons tout d'abord Eva Marton (Elsa von Brabant) pour son timbre riche, ses nuances, son expressivité, ses attaques d'une grande suavité. Les larmes qui ruissellent ne sont pas toujours un gage de talent, mais ici, nul doute que le soprano soit habité par son personnage. Si son timbre clair n'est pas celui du siècle et qu'apparaissent des problèmes de justesse, Peter Hofmann (Lohengrin) possède une souplesse qui lui permet de beaux pianissimi. Moins convaincante est la prestation de John Macurdy, König Heinrich peu fiable, à la diction moyenne, plutôt raide et métallique. Un rien nasalisé dans le haut-medium, Leif Roar (Telramund, émouvant dans sa honte) jouit d'une projection et d'un impact efficace, d'une accentuation très ferme. Une pluie de fleurs accueille Leonie Rysanek au moment des saluts, hommage à sa terrifiante Ortrud. Enfin, obnubilé par la pâte des cordes (les graves n'étant pas toujours justes), James Levine perd la lumière des vents, mais propose une lecture tonique.

LB