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Chroniques
Richard Wagner
Die Walküre | La Walkyrie
C'est sur un espace plongé dans la pénombre que s'ouvre cette première journée du second Ring d'Harry Kupfer, conçu Unter den Linden et capté lors de sa reprise catalane, au printemps 2003. Vraisemblablement abattu, l'imposant frêne sacré du monde autour duquel s'organisaient les quatre scènes de Rheingold traverse le champ [lire notre critique du DVD]. On le devine dans la succession précipitée des éclairs qui font échouer Siegmund chez Hunding. Et c'est encore dans une inefficace orgie de flashes que se lèvera le rideau du second acte, sur l'intérieur d'un palais nu délimité assez justement par d'immenses grilles infranchissables. Lorsqu'il ne fait plus de doute que la colère de Wotan demeure impuissante, l'arbre perd une branche dans un fracas dramatique. Le dernier épisode de Die Walküre s'annonce par une pataude bacchanale qui ne convainc pas même ses actrices, huit guerrières qui, d'un air bonnes-filles un rien bêta, chevauchent quelques hommes nus. Enfin, pour tout feu le dieu convoque de désuètes diodes à segments, confiant à Texas la défense de sa fille rebelle. Mieux vaudra n'en pas tirer de conclusion.
Bref, on s'ennuie ferme, dans ce spectacle à la fois pauvre et encombré. Le peu d'intérêt qu'on y rencontre survient du jeu de Hunding dans le premier acte, de la joute filiale du deuxième, complice et amicale, ou de la mort rendue sensiblement présente de Siegmund dans les bras de Wotan, désemparé. La scène conjugale n'est que caricature.
L'on appréciera Eric Halfvarson dont l'autorité et la vaillance vocales ainsi que l'intime intelligence du texte servent un Hunding qui capte l'attention. Doté d'une voix peu avare en harmoniques, d'une couleur s'appuyant sur une intéressante assise grave, Richard Berkeley-Steele donne un Siegmund sans éclat et très limité en ce qui concerne la dynamique. Soigneusement mené, fiable et crédible, le Wotan de Falk Struckmann, malgré un grave qui manque de corps, s'avère plus satisfaisant encore que dans le prologue.
Du côté des dames, l'inégalité vocale des walkyries déçoit amèrement. Linda Watson est une Sieglinde à l'émission onctueuse et posée, indéniablement à jour avec la technique, mais possédant peu de charisme. Son personnage paraît mièvre, minaudant des chatteries ridiculement domestiques. Ce n'est que dans l'évocation de la maternité, la promesse du futur Siegfried qui vengera et libèrera le monde des dieux avides, qu'elle se révèle. En revanche, on goutera le moelleux indescriptible du chant de Deborah Polaski, Brünnhilde au phrasé ample et à la couleur attachante autant que riche. Parfaitement distribuée, elle ménage des attaques d'une tendresse inouïe pour répondre à la furie de Wotan, par exemple.
Quoique plus sains que dans Rheingold, les cuivres de l'Orquestra Sinfónica del Gran Teatre del Liceu demeurent aléatoires, sans espace et sans brio. Y ajoutant des cordes approximatives, l'on compatit aux difficultés que put vivre Bertrand de Billy en fosse.
BB