Chroniques

par laurent bergnach

Richard Wagner
Die Walküre | La Walkyrie

2 DVD TDK (2003)
DV-OPRDNW
production de mars 1999, à l'Opéra National de Stuttgart

Son livret achevé le 1er juillet 1852, sa partition à la fin mars 1856, Die Walküre devra attendre le 26 juin 1870 pour être créé à Munich. Si Das Rheingold laissait un peu de place à la légèreté (le malheureux Alberich ridiculisé), nous entrons de plein pied dans le drame lorsque l’étranger Siegmund demande asile à Hunding. Ce dernier renifle en lui un ennemi, avant que le guerrier triste reconnaisse en l'hôtesse sa sœur jumelle Sieglinde, dont il fut séparé enfant. Pris de passion amoureuse, le couple s'enfuit, emportant l'épée Nothung (Détresse en allemand) qui attendait son propriétaire.

Le premier acte est tout en tension et en concentration. Robert Gambill (Siegmund), avec des aigus plutôt cuivrés et des graves magnifiques, ne s'installe pas toujours dans la note. Ses médiums sont nasillards et pas toujours justes. Il semble préoccupé par des démonstrations techniques, ce qui lui donne un air emprunté. Au fur et à mesure de la représentation, il favorise un mezzo-forte constant plutôt qu'une approche nuancée, finissant par ne plus rien exprimer. Sieglinde fragile et animale, Angela Denoke chante, pour sa part, de mieux en mieux. Dommage qu'elle soit obligée de plier son jeu excellent aux lourdeurs de la mise en scène de Christoph Nel (frénésie de film muet expressionniste, connotations phalliques de l'épée appuyées, etc.)

Allongé sur un matelas gonflable, c'est Jan-Hendrik Rootering en un Wotan un peu poussif que nous découvrons ensuite. Cependant, la voix est homogène sur toute la tessiture et le timbre est bien distribué. Tichina Vaughn (Fricka) chante souvent faux ; ses aigus sont beaux mais ses graves passables. Ici encore, l'indigence de la mise en scène frise l'amateurisme : scène de ménage avec baffes à répétition, immondes statuettes en caoutchouc qui figurent les Velsung, etc. L'espace n'est pas occupé, les personnages pas construits et ça tourne en rond. Quelques beaux moments demeurent cependant, tel le récit bien joué et la détresse crédible de Wotan en tête-à-tête avec sa fille préférée (scène 2) et l'apparition de Brünnhilde derrière son bouclier de plumes, fatale aux Héros.

Belle surprise que les huit Walkyries de l’Acte III ! Il y a un équilibre entre toutes ces voix citons en particulier celle, splendide et très sonore, de Eva-Maria Westbroek, et celle de Helene Ranada. Féminines, armées de leur bouclier de plumes, on est loin de l'habituelle virago métallique. Du coup, elles sortent de la neutralité jusqu'à attirer la sympathie. Ce sont presque des gamines qui passent le temps en comptant les morts. Dans un espace sombre entre terre et ciel (la fosse et l'étage aménagé), Wotan, très flic, suit l'action depuis un écran de télésurveillance. En bannissant Brünnhilde de sa vue, il brise leur alliance comme un mafieux corrompu lâcherait une sentence irrévocable.

Vaillante mais semblant fatiguée à son apparition, Renate Behle (Brünnhilde) a juste besoin de se chauffer. Son désespoir nous émeut jusqu'au dénouement lorsque, résignée, elle allume de petites bougies entre lesquelles sa tête reposera, tandis que Wotan rembobine la bande pour revoir son enfant chérie en vie... (dommage qu'il y ait ce coup de projecteur final !)

Comme dans Das Rheingold [lire notre critique du DVD] à la tête du Staatsorchester Stuttgart, Lothar Zagrosek, demeure excellent.

LB