Chroniques

par laurent bergnach

Richard Wagner
Rienzi, der Letzte der Tribunen | Rienzi, le dernier des tribuns

1 coffret 4 CD Documents (2006)
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Richard Wagner | Rienzi, der Letzte der Tribunen

Décidé à ne plus soumettre ses ouvrages au public des « théâtres inférieurs » – celui-là même dont le goût est brouillé et le jugement confus, disait Goethe, parce que sur les scènes allemandes « on joue de tout pêle-mêle » –, le jeune Richard Wagner (1813-1883) vise l’Opéra de Paris, temple des ouvrages héroïques signés Auber, Halévy, Meyerbeer et Spontini. Après Die Feen, composé en 1833 mais représenté un demi-siècle plus tard, héritier de la tradition romantique germanique [lire notre chronique du 24 mai 2013], et Das Liebesverbot (1836), « imitation de la moderne cantilène italienne » [lire notre chronique du 14 juillet 2013], Rienzi aura donc des accents de grand opéra français, « avec des hymnes, des cortèges et le fracas des armes rendus par la musique ». On ne peut retirer au musicien la connaissance de ces trois grands courants européens de l’époque puisque lui-même a dirigé autant Bellini, Boieldieu, Mehul et Rossini que Spohr et Weber. C’est sans doute pourquoi Meyerbeer, le maître bientôt exécré qui découvre Rienzi naissant à l’été 1839, salue ce beau travail, promet des lettres de recommandations pour Paris et assiste à la création des années plus tard.

Wagner s’inspire d’un roman d’Edward Bulwer-Lytton paru en 1835, qui fait revivre la figure médiévale de Cola di Rienzo (1313-1354), idéaliste soucieux de restaurer le prestige de l’ancienne République romaine. Son livret privilégie l’unité de lieu, une intrigue couvrant plusieurs semaines plutôt que des années, et montre un héros vertueux qui parvient, appuyé par l’Église, à imposer une trêve entre les familles patriciennes. Mais en annonçant au peuple la fin de la toute-puissance des nobles, il se fait des ennemis parmi ces derniers. Menacé par des complots, perdant la confiance de la plèbe et finalement excommunié, il périt dans l’incendie du Capitole avec sa sœur Irène et l’amoureux de celle-ci, venu la sauver – nous vous renvoyons à une présentation plus détaillée de l’intrigue et du contexte de l’œuvre, publiée à l’occasion de la captation du spectacle de Philipp Stölzl à Berlin [lire notre critique du DVD]. Rapidement détaché de ce « monstre » créé au Königlisches Sächsisches Hoftheater de Dresde le 20 octobre 1842, Wagner parle, dès 1847, de « péché artistique de jeunesse ». Lors de sa création parisienne en avril 1869, Bizet y déniche pourtant « du génie, sans mesure, sans ordre, mais du génie ».

Le présent coffret propose une version enregistrée en 1950 avec, à la tête du Sinfonieorchester des Hessischen Rundfunks (Orchestre Symphonique de la Radio de Hesse), le compositeur et théoricien Winfried Zillig (1905-1963). Cet ancien élève de Schönberg – dont il compléta l’oratorio Die Jakobsleiter, à la demande de sa veuve – dirige avec nuance et souplesse, alimentant régulièrement la tension de l’ouvrage, à l’instar du chœur sollicité pour soutenir des climats variés.

Incisif et coloré, Günther Treptow incarne le rôle-titre avec stabilité. Trude Eipperle (Irene) livre un chant agile mais parfois éraillé. Un peu vieillissante, Erna Schlüter (Adriano) offre néanmoins des aigus faciles. De même, Heinz Prybit (Raimondo) n’est pas exempt de tremblements, même si la voix est claire et sonore. Plus stables, Helmut Fehn (Colonna) s’avère ample, Rudolf Gonszar (Orsini) bien impacté et Willy Hofmann (Baroncelli) assez vif.

LB