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Chroniques
Richard Wagner
Götterdämmerung | Le crépuscule des dieux
Initialement appelé La Mort de Siegfried, Götterdämmerung prend son nom définitif à l'issue de sa composition, en 1848. Le titre l'annonce, cette dernière partie du Ring est faite de présages, de trahisons, de ruines et de débâcle ; et dans ce gigantesque et minutieux télescopage, on retrouve tous les leitmotivs et les idées de la Tétralogie entière.
Errantes, les Nornes ne peuvent plus attacher leur fil au frêne originel, lequel a dépéri depuis que Wotan cassa une branche pour y tailler sa lance. Le fil se rompt – « le monde n'apprendra plus rien de notre sagesse » – et elles vont rejoindre leur mère, Erda. Toujours dans le prologue, Siegfried part à la découverte du monde, laissant son anneau à Brünnhilde, en gage de fidélité ; la Walkyrie refuse donc de le rendre aux filles du Rhin, lorsqu'une de ses sœurs vient l'en supplier. Le voyage est de courte durée pour Siegfried : chez les Gibichungen, il tombe dans un piège préparé par Hagen.
Déjà présentes sur scène durant l'installation du public, les trois Nornes sont des mendiantes sans abri, coiffée du foulard propre aux femmes dans le dénuement. Janet Collins (la première, qui joue aussi Floßhilde) possède un timbre chaud et riche, mais qui tremble un peu. Lani Poulson (la deuxième) est vaillante, avec un vibrato précis et ample qui n'altère pas la hauteur. Sue Patchell (la troisième) a une voix puissante mais un peu fatiguée. Le trio est cependant une merveille d'équilibre, en comparaison de celui des Filles du Rhin.
Dans un décor qui joue avec le kitsch (paysage peint sur toile), nous découvrons Luana De Vol (Brünnhilde) et Albert Bonnema (Siegfried). Celle-ci, au chant très nuancé et musical, sera un facteur d'émotion tout au long de l'œuvre, un personnage qui finira par tenir le rôle principal alors que le second, avec ses peaux de bêtes, ses farces de gamin, sa naïveté attachante est dès le début un bouffon, un balourd qui demeure le jouet de Wotan. La voix du ténor est forte et agréable, mais la mise en route est difficile (engorgement, notes fausses) de même que le troisième acte où la fatigue favorise des aigus miaulés. Tichina Vaughn (Waltraute) conserve les problèmes vocaux déjà signalés dans son rôle de Fricka [lire notre critique du DVD Die Walküre].
Chez les comploteurs, Hernan Iturralde (Gunther) déçoit par un timbre grêle et un manque de profondeur, mais Roland Bracht (Hagen) se montre correct et Eva-Maria Westbroek (Gutrune) séduit par une belle voix large, qui profite de l'espace sans jamais être agressive. Franz-Josef Kapellmann (Alberich), « le gnome affreux » dont le spectre apparaît à Hagen, mérite également notre attention : sa voix est magnifique, nuancée et expressive.
Félicitons à nouveau Lothar Zagrosek pour son travail (orchestre nuancé et contrasté, sensualité et dynamisme) et Peter Konwitschny, le metteur en scène de cette production. Dans un décor ingénieux (une structure de hangar pivotante aux murs bâchés), avec peu d'accessoires mais des personnages travaillés de l'intérieur – jusqu'au moindre choriste, personnalisé avec soin –, il permet au cycle de se terminer avec drôlerie et émotion.
LB