• CD

C'est avec la même enthousiaste curiosité que nous découvrons la troisième livraison du Ring d'Adelaide, capté fin 2004. Si Rheingold et Die Walküre ont révélés les talents wagnériens d'Asher Fisch à la tête de l'Adelaide Symphony Orchestra, ce Siegfried ne décevra pas. La présence de l'orchestre s'y met toujours efficacement au service de la dramaturgie, faisant entendre chaque détail de l'instrumentation d'une partition dont elle entretient savamment les tensions qu'elle sait dépasser par un haut raffinement d'expression. On répètera ici l'excellence des cordes de la formation australienne, la précision et la couleur des vents, mais aussi l'indéniable intelligence du mouvement et du geste du chef. La fin de l'acte II y trouvera toute son élégance, de même que flambera le prélude du III, augurant la dernière journée du cycle.

Côté voix, le plaisir est moins vif. On retrouve le Mime de Richard Greager qui ne démérite pas. Il est drôle, très proche du texte, possède un bel éventail expressif dont il use judicieusement ainsi qu'une véritable agilité vocale. De même le grand espace de la voix deJohn Wegner continue-t-il de donner toute son aura au rôle d'Alberich, doté d'un grain avantageusement astringent et d'un grand sens du texte. Erda est toujours tenue par Liane Keegan qui lui offre une fort belle égalité de timbre, un grave rond, et, surtout, un legato tout simplement fascinant. Mais les atouts de cette représentation s'arrêteront là.

Si nous avions apprécié la Brünnhilde de Lisa Gasteen dans le précédent épisode, l'âcreté de son salut au jour, la couleur parfois ingrate, le peu de stabilité et le vibrato assez encombrant de sa prestation dans le troisième acte de Siegfried convainquent moins ; cela dit, l'aigu est fulgurant et le timbre reste riche de possibilités. David Hibbard, plutôt bon Fafner dans L'Or du Rhin, n'est pas toujours très juste. Quant au Wotan de John Bröcheler, il affirme dès le début une grande forme et un chant ferme qui conduit superbement le phrasé. Pourtant, son deuxième acte est instable et approximatif. Enfin, passant vite sur la Voix de l'Oiseau à laquelle Shu-Cheen Yu impose une cruelle crudité, avouons que le rôle-titre souffre d'une incarnation inégale et problématique à plusieurs égards. Certes,Gary Rideout affirme un bel art de la nuance, une couleur attachante et une sensibilité notable, arrivant comme une lumière, mais l'émission paraît difficile, l'aigu reste raide, le phrasé discontinu et le médium comme engorgé. Cependant, au regard d'autres prestations – son Laca (Jenůfa) à Liège [lire notre chronique du 18 février 2005] et son Majordome (Lulu) à Strasbourg [lire notre chronique du 19 juin 2005] –, ces soucis ne comptent pas au palmarès de ce bon chanteur. Alors, que se passe-t-il ? Une diction laborieuse pourrait bien aspirer tous les moyens de l'artiste, l'empêchant de considérer une ligne de chant, et compliquant tout ce qui put paraître simple ailleurs. C'est dommage, mais force est de constater que ça ne fonctionne pas du tout.

Cet avis plus réservé, nous espérons bien que l'arrivée imminente de Götterdämmerung saura le dissiper !

BB