Chroniques

par samuel moreau

Richard Wagner
Der fliegende Holländer | Le vaisseau fantôme

2 CD Deutsche Grammophon (2007)
477 5673
Richard Wagner | Der fliegende Holländer

Paru une première fois chez Deutsche Grammophon en 1972, réédité par Decca en 1985, ce Hollandais capté à Bayreuth en 1971 revient aujourd'hui sous son label d'origine, dans la collection Opera House. C'est avant tout en tant que témoignage de l'art incontestable deKarl Böhm que ce disque présentera quelque intérêt. Ferme, aérien, leste, n'accusant pas la moindre lourdeur de ton, gérant incroyablement le silence, accordant une sècheresse étonnante à la percussion, ce qui souligne d'autant plus la lumière des cuivres, le chef allemand livrait une interprétation d'une grande tenue expressive, d'une vigueur mesurée, d'une clarté remarquable.

Malheureusement, le casting vocal ne se montre pas à la hauteur. Sieglinde Wagner donne une Mary pleine d'esprit dont le timbre vieillissant n'est pas flatteur, bien que l'impact teste efficace. Belle technique de chant mettant en valeur des moyens plutôt limités, ainsi décrira-t-on le Steuermann d'Harald Ek. Si la maitrise de la nuance caractérise la Senta de Gwyneth Jones, dans un chant toutefois un peu trop chanté, si l’on peut dire – ce qui ne l'empêche pas d'être simplement céleste dans Wohl kenn'ich Weibes heil'ge Pflichsen, par exemple –, des attaques douteuses et un vibrato désobéissant (déjà !) viennent gâcher l'incarnation. Grave sombre, aigu cuivré, ton effrayant, diction assez ouverte qui accroche joliment le timbre dans le masque : autant d'atouts pour le maudit deThomas Stewart. Malheureusement, le baryton surjoue sa diction, s'adonne à des trémolos exagérés, nasalise de plus en plus son grave au fil de la représentation, et contredit l'épaisseur que les premières notes avaient su donner au rôle. Dommage.

On se consolera avec Hermin Esser qui, à quarante-trois ans, chantait pour la cinquième année consécutive sur la colline verte qui l'accueillerait rien moins que quatorze étés. À écouter son Erik, on comprend bien pourquoi ! Le timbre est riche, attachant, dans une couleur (qu'on jurerait de baryton) qui surprend. Il campe un personnage vaillant à l'amour désemparé, sans aucune agressivité, grâce à une belle souplesse d'émission. Karl Ridderbusch est le grand triomphateur de ce disque : altière, la conduite du chant s'impose par sa grande fermeté, le phrasé charnu, rendu possible par un grave généreux qui s'inscrit dans un impressionnant espace vocal. Bref, son Daland est excellent.

SM