Chroniques

par laurent bergnach

Richard Wagner
Tannhäuser

1 DVD EMI classics (2004)
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Richard Wagner | Tannhäuser

Tandis qu'il achève la partition de Fliegende Holländer, Richard Wagner trouve matière, dans une autre légende, à un opéra romantique en trois actes : Tannhäuser et le tournoi des chanteurs à la Wartburg. Il lit ceux qui se sont déjà servi de l'histoire de Tannhäuser – Tieck, Heine, Hoffmann… – avant de se lancer dans la rédaction du livret. Cela lui prend plusieurs années, avant que l'œuvre soit mise en musique et créée à Dresde, le 19 octobre 1845. L'œuvre serait ensuite remaniée tout au long de la vie du compositeur, notamment pour la version dite de Paris, en 1861. Outre la mise en place du leitmotiv, on y retrouve une des thématiques du compositeur, à savoir l'opposition entre le profane et le sacré.

Nous sommes au XIIIe siècle. Le château de Wartburg, près d'Eisenach (vallée de Thuringe), est le siège de nombreux concours de chants amicaux entre chevaliers-troubadours. Le landgrave Hermann y vit avec sa nièce Elisabeth, belle et vertueuse. Non loin de là, le Venusberg abrite la déesse de l'Amour et les chevaliers qu'elle a réussi à captiver par ses charmes. L'un d'eux, Tannhäuser, nostalgique du monde, parvient à s'échapper de l'envoûtement. Revenu parmi les siens, il est invité au château par Wolfram von Eschenbach, alors qu'il s'apprêtait à suivre des pèlerins en route pour Rome. Il y retrouve Elisabeth qu'il a aimée jadis. Mais tout dérape lors d'un nouveau concours : plutôt que chanter l'amour platonique comme ses adversaires, Tannhäuser ne peut s'empêcher de vanter les voluptés connues au Venusberg. Honni par tous, il doit prendre la route pour obtenir le pardon du pape…

La mise en scène plutôt sobre de Jens-Daniel Herzog ne s'encombre pas d'inutile ; c'est le jeu des chanteurs qu'elle privilégie. Vaillant et expressif, Peter Seiffert est un Tannhäuser des plus convainquant, de même que Solveig Kringelborn (Elisabeth), à la voix souple et ample, particulièrement émouvante dans sa prière finale à la Vierge. Roman Trekel (Wolfram), Alfred Muff (Hermann) et Isabelle Kabatu (Venus) portent eux aussi le spectacle au plus fort de ses qualités. S'ajoute à ceci la lecture claire et alerte, avec une belle maîtrise de la tension dramatique, de Franz Welser-Möst (chaudement acclamé aux saluts) à la tête de l'Orchestre de l'Opéra de Zurich.

Les grincheux pourront reprocher au film des images de préparation en loge, quelques gros plans sur les instruments plutôt que sur les chanteurs ; cela suffit-il à ne pas qualifier cette production suisse (2003) de version de référence ?

LB