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Chroniques
Richard Wagner
Das Rheingold | L’or du Rhin
En prélude de son commentaire du livret de Das Rheingold – Voyage au cœur du Ring, paru récemment chez Fayard -, Bruno Lussato fait un rappel intéressant : « Au début était le vide. Non pas le vide de l'inexistence mais un vide riche en potentialités, celui du Tao [...]. Le Ring commence par cinq minutes de silence : celles qui, à Bayreuth, suivent la troisième sonnerie d'appel du public ».
Pour les premiers instants de sa mise en scène, Harry Kupfer a imaginé un nuage de fumée se dissipant au centre de la scène, tandis qu'un groupe muet entoure un corps allongé puis s'en éloigne. D'emblée, nous voilà plongé dans un monde d'après le Big Bang, en présence de créatures ancestrales, comme ces Filles du Rhin ou ces géants disproportionnés qui paraîtront plus tard ; les premières – Hilde Leidland, Jane Turner et surtout Annette Küttenbaum, au timbre rond et chaud – forment un trio équilibré, tandis que Matthias Hölle est un Fasolt à la voix égale, à l'émission fiable, et que Philip Kang incarne un Fafner puissant, au grain très présent.
La lumière apparaît, puis le verbe, puis la convoitise...
Günter von Kannen, avec des graves un peu creux mais un chant vaillant et bien mené, livre un Alberich bête à souhait, mais sans le caricaturer. Il en devient donc émouvant, de même que son souffre-douleur Mime. Celui-ci, interprété par Helmut Pampuch, au médium malheureusement peu stable et au grave absent, n'est pas l'avorton ridicule qu'on trouve encore sur trop de scènes ; dans cette ambiance d'exploitation industrielle, il semble un artisan démuni, collaborateur involontaire d'une quête qui le dépasse.
Du côté des Dieux, nous trouvons un Wotan idéal en la personne de John Tomlinson. La couleur est belle, le timbre plein et les graves nourris, auxquels s'ajoute un sens de la nuance qu'il partage avec Fricka – Linda Finnie – ; nous les retrouvons tous deux avec plaisir dans Die Walküre [lire notre critique du DVD].
Si Kurt Schreibmayer (Froh) séduit par un chant souple au timbre lumineux, Eva Johansson (Freia) par un physique avantageux en plus de son aisance artistique, en revanche, Bodo Brinkmann (Donner) déçoit par son instabilité. Graham Clark, loin de l'habituel Loge veule et faible, nous amuse par son expressivité, sa malice, sa vivacité. Enfin, tonitruant au départ, Daniel Barenboïm apporte vite le relief musical adéquat à la tête de l'Orchester der Bayreuther Festspiel, en cet été 1991.
SM