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Chroniques
Romain Rolland
Haendel
La collection de poche Actes Sud / Classica réédite cet ouvrage paru en 1910 chez Alcan, et rendu disponible par Albin Michel en 1951. On connaît le goût de Romain Rolland pour les vastes fresques biographiques et les œuvres fleuves, comme sa monumentale monographie de Beethoven, sa grande thèse sur l'Histoire de l'opéra en Europe avant Lully et Scarlatti, etc. L'un des premiers Français à évoquer les œuvres de Richard Strauss et Hugo Wolf, le penseur devait se pencher sur la destin de Georg Friedrich Händel, compositeur sur lequel le début du XXe siècle avait une vue assez fausse et, par conséquent, ne tenait pas en très haute estime.
Bien que gentiment soumis à un relatif conformisme moral et dominé par une naïveté un rien désuète qui n'a pas toujours en main les données d'une connaissance véritablement scientifique de certains aspects de son sujet, ce livre, intéressant à plus d'un titre pour celui qui désirerait en apprendre sur Romain Rolland, brosse un portrait attachant et peut-être pas tant romanesque qu'on pourrait le croire du Grand Saxon. Certaines considérations sur les parentés de style entre Zachow et Händel sont certes hasardeuses, les comparaisons, images et métaphores emphatiques sont plutôt délicieuses, mais l'effort pour évoquer le climat particulier de piétisme de l'Université de Halle où Händel fit ses classes de droit, par exemple, est louable. Le lecteur n'apprendra guère plus ici qu'en parcourant l'étude de Jonathan Keates, mais dans un ton qui met en quelque sorte à sympathique portée de main le Kapellmeister hambourgeois Reinhard Keiser (1674-1739), « un Mozart de la 1ère moitié du 18ème siècle », Hasse et les symphonistes de l'École de Mannheim, le compositeur, théoricien et critique de la musique allemande Johann Mattheson (1681-1764), et Händel lui-même, bien sûr, en suivant pas à pas la création de ses opéras, Almira, Nerone, Rodrigo, et les Cantates romaines de 1708, jusqu'aux dernières œuvres pour le théâtre, comme Deidamia.
Le compositeur devient ici une sorte de héros poursuivi par la malchance qui serait tardivement reconnu par l'Irlande grâce au Messie, puis enfin par les Anglais avec son Juda Macchabeus qui, en 1744, finit de faire de lui le musicien officiel qu'il voulait être, avec un succès et une estime qui ne seront désormais plus discutés – il a soixante et un ans ! Enfin, sa lutte pour la survie financière s'achève, et sa popularité gagne les couches bourgeoises de la société anglaise.
L'auteur s'interroge assez pertinemment sur les années qui suivront la mort de Händel, le 14 avril 1759, présentant des exécutions déformant affreusement son œuvre, comme celles du Messie, joué par trente-trois musiciens et vingt-trois chanteurs de son vivant, voyant à chaque concert ces chiffres augmenter – cette délirante inflation atteignant quatre mille participants en 1859, au Festival du Crystal Palace de Sydenham ! C'est grâce à la fondation de la Händelgesellschaft en 1856 que put perdurer l'œuvre händélienne, jusqu'à sa redécouverte au temps de Romain Rolland, puis lors du renouveau baroque que l'on sait.
Enfin, la dernière partie du livre s'emploie à tirer certaines conclusions sur l'esprit Händel, les écoles européennes de l'époque, etc., avec force préjugés et idées toutes faites, même s'il n'est certainement pas faux que l'on puisse considérer toute l'œuvre de Händel comme de la musique de théâtre. Pour finir, Romain Rolland désigne Beethoven comme continuateur de Händel !…
BB