Chroniques

par laurent bergnach

récital Sandrine Chatron
Caplet – Debussy – Renié – Schmitt

1 CD Ambroisie (2005)
AMB 9978
récital Sandrine Chatron (harpe) | Caplet – Debussy – Renié – Schmitt

Faisant suite à la défaite de 1870, la musique de chambre française connaît un renouveau, en réaction à la tradition germanique : la pudeur souhaite remplacer l'emphase romantique, la simplicité détrôner la virtuosité gratuite. Idéale pour exprimer des ambiances en demi-teintes, la harpe fait partie des instruments qui vivront un nouvel essor. Le présent enregistrement met à l'honneur ce « séraphique collaborateur », notamment avec l'œuvre profane qu'André Caplet lui a consacrée – et ce dans son intégralité, puisque Impressions d'automne (1905), par exemple, est une courte pièce de jeunesse, inédite au disque. Premier prix au Conservatoire de Paris en 1994, Sandrine Chatron y joue d'une harpe claire, nuancée et tonique.

Proche de la mouvance symboliste, le compositeur (1878-1925) a été sensible, comme beaucoup d'autres, à l'univers d'Edgar Allan Poe, porté par les traductions de Baudelaire et Mallarmé. S'inspirant du Masque de la mort rouge, il compose en 1908 la première version de ce qui deviendra définitivement Conte fantastique pour harpe à pédales et quatuor à cordes (1923). Tantôt lyrique, tantôt appuyé, le Quatuor Elias sert avec une belle énergie cette œuvre haletante où rôde la menace derrière le merveilleux.

Autre œuvre révisée, la mélodie Quand reverrai-je, hélas !, écrite sur le front en 1916. En 1924, ces vers de Du Bellay mis en musique avec beaucoup de sobriété seront suivis de Doux fut le trait, d'après Ronsard. Plus virtuose, la harpe mêle des arpèges aux timbres riches à la ligne de chant du soprano Cécile Bonnet.

Divertissements pour harpe (1924) se compose de deux parties : à la française, qui se veut allègre et carré, dans l'esprit des pièces pour clavecin des siècles précédents, et à l'espagnole, éloge fantasque d'un pays imaginaire, comme y succomba Ravel lui aussi. Caplet les jugeait assez neufs d'écriture (l'imitation très réussie de la guitare) et souhaitait les soumettre à l'avis d'un autre innovateur, le harpiste américain Carlos Salzedo.

D'autres compositeurs marqués par la Première Guerre mondiale complètent ce programme, tel Claude Debussy qui écrit ses célèbres Danses pour harpe chromatique et cordes en 1904. Ici, ce n'est pas l'Europe qui est fantasmée, mais la Grèce antique, entre sacré et profane. Admiratrice de Poe elle aussi, Henriette Renié (1875-1956) compose Ballade fantastique, une œuvre à programme de 1912 d'après Le Cœur révélateur. Enfin, Florent Schmitt, ami de Caplet et comme lui peu à l'aise avec l'académisme, livre en 1906 Andante et scherzo pour harpe et quatuor à cordes.

LB