Chroniques

par laurent bergnach

Samuel Barber
Antony and Cleopatra | Antoine et Cléopâtre

1 coffret 2 CD New World Records (1984)
80322-2
Samuel Barber | Antony and Cleopatra

Samuel Osborne Barber(1910-1981) nous quittait il y a vingt-cinq ans, laissant une œuvre volontiers néoromantique, mélodieuse et tonale, dont émerge le célèbre Adagio pour cordes et Vanessa (1957), son premier opéra [lire notre critique du CD]. Pour son troisième et dernier ouvrage lyrique, le compositeur américain s'est intéressé à une autre femme : la mythique Cléopâtre. Certes, le sujet n'est pas nouveau puisque depuis le XVIIe siècle, parmi tant d'autres, Oscar Strauss s'intéressa à ses perles, Gian Francesco Malipiero à sa passion pour Antonio, Carl Heinrich Graun à son mariage avec Cesare et Hector Berlioz à sa mort. La création d’Antony and Cleopatra eut lieu à New York, à l'occasion de l'inauguration du nouveau Metropolitan Opera House – transféré au Lincoln Center –, le 16 septembre 1966. Après avoir réduit les quarante-trois scènes de la pièce de Shakespeare pour le livret, Franco Zeffirelli en assurait la mise en scène. Suite à l'échec de cette présentation, une nouvelle version vit le jour en 1976 (suppression de personnages, ajout d'un duo d'amour, etc.) et fit l'objet de quatre représentations au Festival des deux Mondes à Spoleto, en juin 1983 – dont cet enregistrement garde la trace.

D'un point de vue purement littéraire, ce qui frappe dès le premier acte, c'est l'éloignement géographique entre les deux amants. Après une rapide scène de séparation – qu'Antony pense définitive –, le général quitte Alexandrie pour Rome, laissant la Reine se languir. Cependant, ils restent en contact grâce à des ressort dramatiques : Cleopatra obtient des nouvelles d'un messager, et principalement une description détaillée d'Octavia, la sœur que Caesar donne en mariage à Antony, tandis que ce dernier a une vision de sa bien-aimée qui le pousse à revenir en Égypte. Dès le deuxième acte, ce sont les événements politiques qui empêchent une sereine intimité : irruption d'Enobarbus pour rendre compte de l'avancée des armées de Caesar, brouille publique alors que Cleopatra envisage de se rendre, puis tout dernier baiser à Antony mourant.

La distribution prévoyant pas moins de vingt-quatre rôles – même si certains sont tenus par le même soliste, le nombre d'émissaires ou de gardes aurait du être réduit, pour une plus grande efficacité scénique –, on est forcément méfiant à la découverte de cet enregistrement (le seul existant de l'œuvre, de toutes façons). Pourtant, l'ensemble est plutôt honnête, et ce sont les rôles principaux qui sont pris en faute : le baryton-basse Jeffrey Wells (Antony), par ailleurs vaillant, paraît peu stable tandis que le ténor Robert Grayson (Caesar) nasalise excessivement.Esther Hinds (Cleopatra), d'abord acide, s'avère un soprano efficace, qui gagne en velours. On appréciera la clarté de Kathryn Cowdrick (la suivante Charmian), la fraicheur de Steven Cole (le messager), le timbre de Charles Damsel (le sénateur Agrippa) ou de David Hamilton (Dolabella).

Le Westminster Choir est des plus toniques. Quant à Christian Badea à la tête du Spoleto Festival Orchestra, il dirige avec relief cette musique expressive et lyrique, qui frôle souvent la B.O. de péplum avec ses cuivres brillants, et autres timbales ou flûtes exotiques.

LB