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Chroniques
Sebastián de Albero
sonates pour clavecin
On regrette beaucoup de ne point lire ni comprendre la langue espagnole, tant ce CD donne l’envie d’en savoir plus sur Sebastián Ramón de Albero y Añanos, compositeur né en Navarre au printemps 1722 et mort en 1756, à Madrid. En 2016, Carlos Andrés Sánchez Baranguá publiait une thèse musicologique fort documentée, couvrant plus de cinq cents pages, dont on peut aisément imaginer qu’elle permettrait d’approfondir l’approche trop superficielle qu’ici nous proposons – disponible au format PDF sur le site de l’Universidad Pública de Navarra [suivre ce lien].
Aussi nous en remettons-nous à la notice par laquelle le claveciniste franco-argentin Mario Raskin (qui fait mention de la thèse renseignée ci-avant) introduit lui-même son enregistrement d’une sélection de quinze des trente sonates de Sebastián de Albero qui constituent le recueil conservé à la Biblioteca nazionale Marciana de Venise où il est probable qu’elle fut amené par Farinelli auquel la reine d’Espagne Maria-Bárbara de Bragança « avait légué sa bibliothèque musicale ainsi qu’une partie de ses instruments à claviers ». L’interprète précise encore que la bibliothèque du Real Conservatorio Superior de Música de Madrid détient un deuxième cahier contenant ricercares, fugues et toccatas, tandis que le troisième, dûment répertorié dans les registres de celle de l’épouse portugaise de Ferdinand VI, semble à jamais perdu.
Né à Roncal-Erronkari, village de montagne situé aux confins de la Navarre et de l’Aragon, en redescendant les cols pyrénéens, Sebastián de Albero est admis à douze ans parmi les jeunes voix de la maîtrise de Santa Maria de Pampelune. Au sein de cette institution, il complète sa formation de claviériste (étendue à l’orgue) et apprend la composition. À l’âge de vingt-quatre ans, le voilà nommé organiste principal de la Chapelle Royale madrilène. Il décède dans cette ville avant son trente-quatrième anniversaire, de sorte qu’il n’eut guère le temps de laisser œuvre plus vaste.
Sous les doigts inspirés de Mario Raskin, jouant le clavecin Christian Kroll de 1776 du Château de Villarceaux, dans le Vexin (enregistrement par Francis Rotstein, en juin 2020), nous découvrons une facture musicale qui fait le lien entre Domenico Scarlatti (1685-1757), le grand aîné napolitain des clavecinistes du Siècle, et leur cadet l’hiéronymite catalan Antonio Soler (1729-1783) – les sonates de ces deux-là firent d’ailleurs l’objet de gravures par Raskin (également pour le label Pierre Verany). Il faut saluer la respiration toute personnelle que le musicien infiltre dans ces pages volontiers méditatives malgré une inventivité rythmique certaine, et souvent même habitées d’une mélancolie pudiquement voilée, comme en témoignent la Sonate en fa majeur n°7 (Andante), par exemple, que l’artiste fait admirablement chanter, ou la plainte délicate transmise par la Sonate en ré mineur n°11 (Andante).
BB