Chroniques

par françois-xavier ajavon

Simon Rattle et le City of Birmingham Symphony Orchestra
Musique orchestrale au XXe siècle (vol.3 | Colour)

1 DVD Arthaus Musik (2005)
102 037
Musique orchestrale au XXe siècle (vol.3 | Colour)

La série Orchestral music in the 20th century, qui reprend la leçon de musique télévisée de Simon Rattle à la tête du City of Birmingham Symphony Orchestra, est composée de sept DVD qui permettent un tour d'horizon quasiment complet de la question. Rattle ratisse large et, en sept heures, parvient à nous révéler les secrets de compositeurs aussi différents que Strauss, Henze, Berio, Boulez, Stravinsky, Chostakovitch, Bartók ou Stockhausen, dans le cadre d'explications parfois un peu austères de cinquante-deux minutes chacune, rassemblées en thématiques transversales.

C'est avec l'inévitable et magnifique Prélude à l'après-midi d'un faune que Rattle nous montre d'emblée ce qu'est la couleur en musique, Debussy choisissant ses notes en fonction de leur coloration imaginaire, comme Mallarmé choisissant ses mots en fonction de leurs sonorités. Le chef souligne sans grande originalité l'aspect impressionniste de cette musique, mais la rattache non pas aux grands peintres français (Monet, etc.), mais à Turner, spécialiste britannique de la marine floue et des visions fantastiques dans la brume. Avec cette partition, en somme, la couleur devient forme. Le jeu musical de la mise en valeur des couleurs est aussi sensible dans L'Oiseau de feu de Stravinsky ; œuvre chatoyante à l'exotisme et à l'orientalisme irrésistibles qui, tout en empruntant ça et là quelques mélodies à Rimski-Korsakov, nous présente toute la palette des couleurs primaires. Avec le ballet Daphnis et Chloé de Ravel, que le chef voit comme inspiré par Mahler et source d'inspiration pour Messiaen (notamment de par l'usage, déjà, de chants d'oiseaux), les couleurs sensuelles deviennent chair, et la musique nous touche sans appel. La démonstration de Rattle concernant Jeux de Debussy est moins convaincante : si l'on comprend bien que le compositeur français fut inspiré par les techniques du cinéma naissant, comme le fondu enchaîné, on ne fait pas trop le lien avec les couleurs musicales. Dans les Cinq pièces Op.16 de Schönberg, la volonté picturale est plus évidente : l'auteur, que l'on sait aussi peintre, propose, dans le 3ème mouvement, une fresque colorée troublante composée de la répétition perpétuelle d'un même accord orchestré différemment au fur et à mesure du développement de l'œuvre.

Le DVD Colour se termine par deux longues démonstrations très stimulantes concernant les grands coloristes Messiaen et Takemitsu. Dans des extraits d'interviews, le premier nous explique l'importance à ses yeux de la couleur quand il compose une mélodie ; au piano, il joue une mélodie aux multiples nuances de bleu, qu'il décrit tour à tour. On voit aussi un Messiaen coloriste, passionné par la transcription musicale des chants d'oiseaux, et fasciné par les effets lumineux des vitraux de cathédrale. Rattle illustre musicalement le tout avec des extraits de Et expecto resurrectionem mortuorum. Pour finir, il voit en la musique de Takemitsu unejapanisation de celle de Debussy, idée que l'on peut admettre à l'écoute de son Dream/Window, constitué de très longs accords qui « enveloppent la terre », selon l'expression du compositeur. On retrouve ce dernier en 1994 dans une interview intéressante où il parle de son rapport au cinéma et à la musique de film. On le voit notamment discuter avec le cinéaste Shinoda, lors d'une séance de travail.

Au final, malgré une réalisation à la fois austère et parfois surchargée d'images illustratives pénibles, on retiendra de l'entreprise une volonté pédagogique intéressante soutenue par une maîtrise musicale sans faille.

FXA