Chroniques

par françois-xavier ajavon

Simon Rattle et le City of Birmingham Symphony Orchestra
Musique orchestrale au XXe siècle (vol.5 | The american way)

1 DVD Arthaus Musik (2005)
102 041
Musique orchestrale au XXe siècle (vol.5 | The american way)

La série Orchestral music in the 20th century, qui reprend la leçon de musique télévisée de Simon Rattle à la tête du City of Birmingham Symphony Orchestra, est composée de sept DVD qui permettent un tour d'horizon quasiment complet de la question. Rattle ratisse large et, en sept heures, parvient à nous révéler les secrets de compositeurs aussi différents que Strauss, Henze, Berio, Boulez, Stravinsky, Chostakovitch, Bartók ou Stockhausen, dans le cadre d'explications parfois un peu austères de cinquante-deux minutes chacune, rassemblées en thématiques transversales.

Les volumes 4 [lire notre critique du DVD] et 5 se répondent logiquement et forment un ensemble déjà très cohérent : Three journeys through dark landscapes (Trois voyages en territoires obscurs) explore la musique issue d'Europe de l'Est à travers les œuvres de Chostakovitch, Bartók et Lutoslawski, alors que The american way visite celle du monde libre via les grands Américains, dont Gershwin et Copland. Dans ce dernier volume, Rattle a une approche très diversifiée et n'hésite pas à aborder des œuvres complexes et très modernes. À travers l'analyse d'œuvres de Gershwin (Rhapsody in blue) et Copland (Appalachian Spring), il montre l'immédiate séduction de l'esthétique musicale américaine, influencée notamment par la syncope et le jazz. Un document très intéressant est d'ailleurs inséré dans le montage : des extraits de la chorégraphie de Martha Graham pour Appalachian Spring, qui donnent envie d'en voir bien davantage.

Évoquant les œuvres de compositeurs plus individualistes et originaux, Rattle insiste sur l'originalité de ce corpus musical : ainsi le Celebration day de Charles Ives est un complexe jeu sonore avec l'orchestre, et Madame Press died last week at 90 une fascinante exploration du minimalisme de la musique répétitive. Rattle présente aussi un John Cage débarrassé du folklore de sa philosophie musicale, qui parvient à nous toucher magnifiquement avec son First Construction in Metal, pièce de piano préparé dont les sonorités évoquent immanquablement le son si caressant du gamelan balinais. Mais la musique américaine est aussi un show, et le chef ne néglige pas cette dimension. À travers des extraits de Street Scene de Kurt Weill et de West Side Story de Bernstein, il montre que cette culture musicale était avant tout une culture de la scène et du divertissement. Intelligemment, Rattle conclut son exposé par de larges extraits d’Harmonium de John Adams, présenté comme la synthèse contemporaine de la musique américaine, entre recherches musicologiques poussées et goût de la mélodie populaire.

Ces deux volumes, dont la cohérence pourrait justifier un achat en dehors de l'ensemble de la série des sept émissions, permettent une réflexion stimulante sur la notion de liberté en musique. Qui étaient les plus libres : Chostakovitch et Lutosławski de lutter contre le carcan politique qu'on leur imposait ? Bernstein de satisfaire le public payant de ses comédies musicales ? Cage ou Feldman de rentrer dans une sorte de course parfois un peu absurde au modernisme ? Rattle ne donne pas toutes les réponses mais propose, sur ces thématiques, un bon nombre d'intuitions et de commentaires très précieux.

FXA