Dossier

entretien réalisé par bertrand bolognesi
paris – 14 avril 2016

Stefano Gervasoni
portrait du compositeur autour d’une œuvre

Fu verso o forse fu inverno (création mondiale)
le compositeur Stefano Gervasoni rencontre Bertrand Bolognesi, musicologue
© philippe stirnweiss | stefano gervasoni

À l’Institut culturel italien (Hôtel Galliffet, au 73 de la rue de Grenelle, dans le septième arrondissement) aura lieu, ce jeudi 26 mai à 18h, le vernissage de Viale dei canti, œuvre pluridisciplinaire du plasticien Giuseppe Caccavale (qui représenta l’Italie à la cinquante-sixième Biennale de Venise). À partir d’une idée de Marina Valensise (directrice de l’institut), depuis le 31 mars l’artiste grave sur le mur du jardin des poèmes de Lorenzo Calogero (1910-1961), Bartolo Cattafi (1922-1979), Alfonso Gatto (1909-1976), Leonardo Sinisgalli (1908-1981) et le fameux Chant nocturne d’un berger nomade en Asie de Giacomo Leopardi (Canto notturno di un pastore errante dell’Asia, 1831). De là naquit un grand chantier visuel et sonore associant le compositeur Stefano Gervasoni. Nous l’avons rencontré : il nous fait part de son enthousiasme, de sa conception particulière de Fu verso o forse fu inverno, nouvelle œuvre spécialement écrite pour l’occasion, cycle de Lieder que créeront le mezzo-soprano Monica Bacelli, le pianiste Giulio Biddau, avec Marco Liuni (IRCAM) et Alvise Vidolin (Université de Padoue) pour l’électronique en temps réel (à 20h00, le 26 mai). Ce concert inaugural, qui fera également entendre La fabbrica Illuminata de Luigi Nono (pour voix et bande magnétique, 1962), aura lieu dans l’élégant salon de l’Hôtel Galliffet mais aussi dans le jardin, grâce à un dispositif de diffusion réalisé par Gervasoni.

Comment s’est élaboré un tel projet ?

Le musicologue Philippe Albèra publia tout récemment Le parti pris des sons, un essai monographique sur ma musique (Contrechamps Éditions, 2015), que je suis venu présenter à l’Institut culturel italien le jour de sa sortie en librairie, à l’invitation de Marina Valensise. C’est un livre plutôt complet témoignant d’une approche sérieuse et approfondie de mon travail, selon un point de vue personnel qui toutefois me range un peu rapidement dans cette génération de musiciens italiens post-Sciarrino essentiellement préoccupés de la couleur sonore.

Il y a quelques années, nous-mêmes écrivions « La manière de Stefano Gervasoni est délicate, mais encore ludique, exploratrice de sonorités raffinées, d’alliages inédits, voire de silences audacieux » à propos de votre CD Least Bee édité par Stradivarius [lire notre critique]…

Affirmer que le timbre est mon terrain de recherche et d’expression n’est pas faux, mais c’est trop exclusif, car je m’interroge beaucoup aussi sur la forme, le rapport entre poésie et musique, et sur bien d’autres choses dont ma musique est traversée. Je ne suis pas qu’un compositeur du timbre. Après la conférence pour la sortie du livre d’Albèra, Giuseppe Caccavale, le plasticien qui grave le mur, est venu écouter le concert qui suivait. Il a pensé que j’étais le musicien qu’il fallait au projet Viale dei canti que l’on m’a dévoilé un peu plus tard. Constatant que je m’intéressais très activement au rapport entre la poésie et la musique, il a souhaité que je fasse quelque chose pour le vernissage de son mur où seront écrits des poèmes italiens du XXe siècle et celui, très célèbre, de Giacomo Leopardi (Canto notturno di un pastore errante dell’Asia, 1831). D’abord, il ne devait s’agir que d’un concert, sans plus.

Et maintenant ?

Nous nous sommes rencontrés, nous avons travaillé ensemble. Il m’est alors venu à l’esprit que ce mur qui parle de façon silencieuse au visiteur, puisqu’il contient des textes gravés, pouvait aussi sonner. Imaginons que le mur parle : il peut dire les poèmes gravés, bien sûr, mais encore raconter l’histoire de cette présence des mots sur lui. Du coup, nous avons enregistré non seulement les mots du poème de Leopardi, dits par la chanteuse qui interviendra en direct lors du concert inaugural du 26 mai, mais aussi les bruits de travail sur ce mur, la pose de l’enduit, des sons extrêmement matériels, jusqu’à celui du stylet sillonnant la pierre. Faire interagir les mots du poème et les bruits concrets du chantier, c’est créer un mur sonore montrant l’effort du vouloir dire à travers la poésie.

Cette incursion du chantier, de cette choséité du métier dont l’art ne saurait se passer, vous la placez aux côtés de l’œuvre de Luigi Nono…

Stefano Gervasoni à l'Institut culturel italien de Paris (Hôtel Galliffet)
© giuseppe caccavale studio | mur de l'hôtel galliffet

La fabbrica illuminata ! L’artiste intellectuel ouvre les portes aux humbles qui, en entrant dans une usine, découvrent l’art savant. En quelque sorte, notre chantier illuminé inverse ce rapport : ici, au même niveau que les ouvriers les artistes travaillent directement la matière, en artisans qu’ils sont aussi. C’est là un principe que je partage pleinement et qui m’engage : la longue durée du travail en amont et l’œuvre terminée, telle que vous pourrez la découvrir le soir de l’inauguration, entrent en dialogue.

Comment se déroulera la soirée du 26 mai ?

À 18h, ce sera le vernissage de Viale dei canti de Giuseppe Caccavale. À 20h, le concert dans le salon de l’Hôtel Galliffet, où sera donné La fabbrica illuminata de Nono et, en création mondiale, Fu verso o fu inverno, un cycle pour mezzo-soprano et piano avec electronic live que j’écris sur des poèmes de Lorenzo Calogero.

Pourquoi avez-vous choisi voix et piano pour votre œuvre ?

La demande initiale de Marina Valensise était une œuvre pour piano seul – une façon de mettre en valeur l’excellent Fazioli, installé à l’Institut depuis quelques mois. J’ai trouvé que le rapport entre un mur qui parle et un piano solo n’était pas probant. Le genre qui a le mieux célébré le rapport poésie/musique est le Lied. Du coup est née l’idée d’un cycle vocal de six Lieder, sur ce poète un peu oublié, Lorenzo Calogero, dont l’existence fut assez tragique*. C’est de la poésie à la fois intimiste et visionnaire, peu connue ici, mais aussi en Italie, en fait. Pour son journal, Marina Valensise écrivit un article sur Calogero et Giuseppe Caccavale est en contact avec la famille du poète. Ils me l’ont fait découvrir et son œuvre m’a beaucoup touché. L’idée de mêler un univers très intime et un partage qui est de l’ordre de l’utopie m’a immédiatement intéressé. Pour le moment, j’ai composé deux pièces ; il faut que je fasse vite, maintenant – la chanteuse réclame déjà la partition (rires) !

Pourquoi recourez-vous à une chanteuse connue pour ses interprétations du répertoire baroque ?

J’ai entendu Monica Bacelli lorsqu’elle chantait dans L’incoronazione di Poppea (Monteverdi) que Rinaldo Alessandrini dirigeait au Palais Garnier. Elle possède une belle voix qui me parle, mais surtout une façon de chanter que je qualifierai d’anti-diva. Son chant n’a rien d’un athlétisme vocal mais, au contraire, s’attache aux valeurs de la prosodie, ce qui mène à des récitatifs absolument sublimes. Cette façon de concevoir le récitatif est à la source même du rapport que je souhaite souligner entre poésie et musique. Elle est donc l’interprète idéale. Nous travaillerons ensemble pour la première fois. Pour moi, c’est vraiment une grande chance.

Vous affirmiez plus haut un rapport au Lied. Dans le recours à cette artiste en particulier, avec ce rapport précis entre poésie et musique du récitatif, peut-on voir également un lien avec le madrigal ?

Tout à fait, oui ! J’ai d’ailleurs composé en 2004 un cycle de madrigaux à six voix et sextuor à cordes, In dir, qui fut gravé au disque par l’ensemble Exaudi et l’Instant donné (Winter&Winter, 2014). La musique du temps de Monteverdi m’intéresse beaucoup, vous l’avez compris. L’art baroque du madrigal, le Lied romantique allemand et la mélodie française à la charnière des XIXe et XXe siècles sont les trois domaines bénis où la musique eut un rapport intime avec le texte. Je n’ai pas encore de pratique du Lied, puisque j’ai conçu toujours des pièces avec des ensembles, même de petit effectif – Die Aussicht (Friedrich Hölderlin, 1985-2003), Least Bee (Emily Dickinson, 1991-2003), Due poesi francesi d’Ungaretti (1994), Due poesie francesi di Beckett (1995), Due poesie francesi di Rilke (1996), etc. Mon catalogue ne comporte qu’un mini-cycle de trois mélodies, mais d’après des textes populaires : c’est le folklore italien qu’elles explorent, dans des rapports transfrontaliers avec l’Albanie, la Slovénie. Le rapport direct voix-piano + électronique, m’est totalement nouveau.

Marina Valensise, directrice de l'Institut culturel italien de Paris
© tania feghali | marina valensise

Pourquoi l’électronique ?

Ne serait-il pas tragiquement anachronique de ne pas repenser l’idée du Lied aujourd’hui ? Au fond, le dispositif demeure classique. La poésie est intime et intimidante ; on ne devrait pas, en principe, la mettre en musique mais la lire. Bien que certains poètes se soient volontairement éloignés de cette aura, elle demeure liée à une parole prophétique. Le Lied porte en lui-même cette exception. La confrontation à la poésie ne m’est pas facile : l’électronique m’aide. Nous vivons dans un environnement culturel et sonore désorienté, qui va dans tous les sens et nous oblige à ne plus penser les choses de façon directe, pure. L’idéalisme du Lied n’est plus de notre temps. Ici, la volonté d’une rencontre entre extérieur et intérieur, aspect public et côté intime, confronte ce désir de pureté de la poésie avec la complexité de notre monde. Aucune volonté de calme n’efface la tension venue de l’extérieure qui rend très fragile notre concentration.

L’électronique vous aide à réinventer l’idéal ?

C’est l’idée… mais c’est difficile ! Une utopie, encore. Le dispositif est à la fois isolé et fragile, puisqu’il laisse sortir du son, mais encore entrer le son. C’est une idée un peu folle.

On pourrait entrevoir là quelque chose d’une contaminatio baroque, où l’on se saisit de ce qui existe pour le faire vivre différemment, au point que plusieurs œuvres de compositeurs ou de poètes différents traitant du même sujet purent enrichir le sujet en le dévoyant progressivement.

Je travaille sur l’accueil du microbe, peut-être (rire) ! Je crois que l’artiste peut œuvrer sur la rencontre des mondes. Ma musique est la voie que je propose, mais je suis parfaitement conscient qu’en l’écoutant votre mémoire est emplie de beaucoup d’autres références qui la mettent en conflit ou la « contaminent », en effet. Il faudrait être naïf pour croire le contraire. Je projette mes images sur un écran qui n’est pas neutre, qui contient déjà d’autres images, de sorte que ces images préalables et les miennes en formeront de nouvelles. N’est-ce pas la complexité de notre monde ? J’aspire à la pureté tout en étant conscient qu’elle n’est pas possible.

Et le lyrisme ?

Je nourris un désir de lyrisme qui ne peut cependant pas s’accomplir. Aujourd’hui, être lyrique est retourner dans le passé ou s’affirmer artiste naïf. Ma musique est marquée par ce désir de lyrisme en réagissant contre l’idée même du lyrisme. Elle opère sous une sorte de couvercle, parce que le rapport lyrique direct est devenu impossible. L’époque nous impose une sourdine. Pensez à Sciarrino qui fit chanter des chanteurs aux lèvres bandées, par exemple ! C’est le contraire de ce qui se passe dans la vie de tous les jours où les gens sur-affirment tout, se prononcent sur n’importe quel sujet, imposent des avis souvent irréfléchis, etc., le plus violemment possible. Giuseppe Caccavale dit volontiers que le mot juste, celui du poète que lui grave dans la pierre, engage. La matière travaillée a une profondeur qui s’inscrit dans la pensée. Eh bien, je pense la même chose de la musique. Elle nous engage.

Comme vous engage Fu verso o fu inverno ?

Giuseppe Caccavale travaille à son Viale dei canti à l'Hôtel Galliffet (Paris)
© giuseppe caccavale studio | viale dei canti

L’électronique en temps réel y est diffusé dans le piano lui-même, des stimulateurs activent la table d’harmonie et des filtres récupèrent le jeu du pianiste. Il y a une diffusion dans la salle, afin de rendre compte de la notion d’intimité propre à la poésie et de l’élargir à l’universel. On a rapidement imaginé d’utiliser le dispositif de la salle pour diffuser le concert hors de l’hôtel Galliffet, grâce à mon dispositif Sillon sonore dans le mur. De la même manière seront diffusés à l’intérieur du piano des sons travaillés à partir des bruits du chantier. Il y a donc un échange entre le dedans et le dehors, le salon où a lieu le moment privilégié du concert et le vernissage, événement extérieur. Le dernier Lied du cycle se termine par une phrase un peu énigmatique, « sous le long tour inerte du soleil », répétée plusieurs fois en quittant la salle jusqu’à s’approcher du mur gravé. L’artiste sort rejoindre le mur, réalisé par les artisans, dehors ; il abandonne le prestige du salon et désavoue la séparation entre salle et scène pour s’immerger dans le chantier, le travail, le monde extérieur.

Vous terminez par le tour du soleil. Déjà vous avez écrit sur cela, non ?

Oui, cette idée m’obsède depuis un moment, en effet. En 2000, j’ai écrit Rigirio pour saxophone, piano et percussion à partir d’un poème qui, bien qu’il n’y soit pas chanté, est l’inspirateur de l’œuvre – un poème de Franco Fortini (1917-1994) qui se réfère à Umberto Saba, dans lequel on parle d’un tournoiement continu. Et j’ai aussi composé une pièce qui s’appelle Tornasole, où il est question de tourner autour d’une note pivot, le sol, qui en français est aussi le sol, la terre, réchauffée par le soleil. Voilà le genre d’images qui m’habite [lire notre chronique du 10 juin 2007]. Le chant nocturne d’un berger en Asie, le poème de Leopardi qui parcourt le mur, s’accorde parfaitement à l’idée de faire voyager le son. Aujourd’hui, on construit des murs pour empêcher les gens d’errer, alors que notre mur à nous favorise l’errance, lui. Il faut bien des murs qui protègent, bien sûr, mais ces mêmes murs peuvent aussi s’ouvrir, accueillir. Le nôtre accueillera le son. On ne le fait pas voir, puisque le dispositif reste caché, mais on entendra cette ouverture du mur qui va dans le sens de l’accueil plutôt que de la séparation. Les arts ne sont pas séparés, de fait, puisque le musicien que je suis travaille ici avec un plasticien. Tout est interactif.

Comment votre dispositif Sillon sonore est-il caché ?

Il y a six haut-parleurs spécialement conçus pour l’extérieur. Ils ne craignent pas les conditions du dehors, ni l’humidité ni la forte pluie, rien du tout. On pourrait sans danger les installer dans une piscine, sous l’eau. L’entreprise spécialisée Garvan les fabrique dans ce but. Des trous dans le mur, très étroits, permettent de les y encastrer. La grille de ces haut-parleurs a exactement la même teinte que la pierre du mur. Ils seront placés afin de diffuser le son de manière optimale, au niveau des oreilles du public, mais comme est également prévue la diffusion d’une bande-son, il faut une diffusion plus large. En fait, ce n’est pas une bande-son mais un live à partir de la voix de la chanteuse, qui dit, ne chante pas les poèmes ; il y a aussi la voix de Giuseppe Caccavale annonçant le titre de chaque poème, et les bruits du chantier. À partir de tout ce matériau, on peut extraire les hauteurs de la voix parlée ou mixer des éléments pour obtenir une autre texture sonore. Ce travail est diffusé sur les six canaux de manière indépendante, comme un chœur polyphonique à six voix, si vous voulez. Ce sont des vagues, des fragments, générés de façon perpétuelle par un algorithme qui travail ce réservoir de sons.

le musicologue Bertrand Bolognesi rencontre Stefano Gervasoni, compositeur
© michel nicolas | stefano gervasoni

L’algorithme superpose les enveloppes en ajoutant des silences afin d’articuler, de rendre plus poreuse la structure, avec une notion de distorsion de l’espace : très près comme un chuchotement, très loin comme un cri fait à distance, etc. Enfin, intervient une sorte de cantus firmus spatialisé différemment, à partir d’extraits du poème de Leopardi. Il fonctionne comme le mur, en fait. La musique doit aussi véhiculer ce poème, naturellement : c’est le rôle de deux voix, l’une chuchotée l’autre parlée, diffusées de manière précisément organisée du premier haut-parleur au sixième puis en revenant en arrière. La durée de lecture du poème est de quelques minutes : il s’agit d’avoir le temps d’entendre tout en bougeant pour lire. Ce n’est pas encore tout à fait au point, vous pouvez l’imaginer : le travail se fait en fort peu de temps et nous devons beaucoup affiner avant le grand jour. Peut-être faudra-t-il prendre la décision de ralentir la lecture ou d’ajouter des silences, etc. ; nous verrons. Car le lecteur peut rester sur un mot, revenir en arrière. Il y a la rime, le lien sonore entre les mots. L’idée, c’est un peu ça : rendre concrètes les qualités qui sont derrière la lecture d’un poème. Ce type de lecture n’est pas linéaire, il demande du temps – temps de réflexion, de concentration, de plaisir aussi pour savourer le travail du poète. Tout cela se tient. Derrière, il y a une console Behringer avec les amplificateurs ; près de trois cents mètres de câbles arrivent ici, dans le secrétariat de l’Institut culturel italien. Un petit ordinateur, ou même une mini-puce qui contient l’algorithme, suffiront pour mettre en route cette sorte de contrepoint à six voix et son cantus firmus flottant. Obtenir des sons fixés (sur bande) est possible aussi, et créer un support CD avec l’une des versions possibles de l’œuvre : le système peut fonctionner de manière très simple avec ce CD, une fois le dispositif installé. De fait, ce dispositif est opérationnel pour d’autres concerts, on peut imaginer qu’une conférence qui a lieu dans le salon de l’Institut soit dorénavant entendue dans le jardin, par exemple.

Ce qui veut dire que l’objet n’est pas limité à l’usage que vous en faites à partir du 26 mai ? Il est ouvert vers l’avenir…

Il n’est pas éphémère, c’est exact. D’une part, les mots sont gravés sur le mur, pour toujours, donc ; la musique conçue pour lui est tout le temps à disposition et toujours modulable, mais encore ce système raffiné peut être utilisé de façon plus pragmatique pour d’autres choses.

Quels sont vos partenaires artistiques ?

Pour le mur, je travaille avec Marco Liuni, chercheur à l’IRCAM où il s’occupe aussi de pédagogie. Pour la pièce elle-même, j’ai la chance de pouvoir compter sur Alvise Vidolin, ancien collaborateur de Luigi Nono, à Padoue, une oreille très fine dans tout ce qui concerne la diffusion du son, les systèmes électroacoustiques, qui s’est entièrement dévoué aux rêves des compositeurs. Le défit est de pouvoir faire ce travail précis et raffiné dans la salle et de pouvoir diffuser depuis le mur quelque chose d’aussi fin mais dans des conditions complètement différentes. Il faut trouver un compromis entre quelque chose d’ouvert qui doit être puissant dehors et au contraire quelque chose de serti, minimal, à l’intérieur, mettre en rapport l’acoustique du dehors, celle de la salle, et créer un troisième monde dans ce rapport lui-même. Alvise Vidolin est le magicien qui permettra ce miracle ; sans lui on ne pourrait pas le faire.

* Lorenzo Calogera : médecin et poète né à Melicuccà, en Calabre, le 28 mai 1910. Son œuvre médite sur l’amour et la mort. Après deux tentatives de suicide, en 1942 puis en 1956, c’est en mars 1961 qu’on découvrit son cadavre sur un lit, dans sa chambre au village natal, sans qu’on en sût plus sur les circonstances de son décès.