Chroniques

par laurent bergnach

Teodor Currentzis et le Mahler Chamber Orchestra
Britten – Chostakovitch

1 DVD EuroArts (2014)
2059818
À la tête du Mahler Chamber Orchestra, Currentzis joue Chostakovitch

Depuis sa création soutenue par Claudio Abbado en 1997, le Mahler Chamber Orchestra (MCO) s’est imposé comme un ensemble novateur qui délaisse sa résidence de Ferrare (Italie) près de deux cents jours par an pour jouer, ici et là, à travers le monde – on compte trente-six pays à l’avoir déjà accueilli ! Ces dernières années, accompagné par le pianiste Leif Ove Andnes, l’orchestre s’offre un voyage au long cours, The Beethoven Journey, parsemé de pauses tel ce concert enregistré au Concertgebouw de Bruges (Belgique), dans le cadre du KlaraFestival, le 6 septembre 2013.

Principalement chostakovien – comme celui de la veille à Bruxelles [lire notre chronique du 5 septembre 2013] –, le programme commence avec le Concerto pour violoncelle en mi bémol majeur Op.107 n°1, inspiré par la Symphonie concertante Op.125 de Prokofiev (1952). Les quatre mouvements en sont créés à Leningrad, le 4 octobre 1959, sous la baguette d’Evgueni Mravinski. D’emblée, l’Allegretto témoigne de la lecture finement nuancée de Teodor Currentzis et d’une belle ciselure des pupitres. Le cor de Přemysl Vojta s’y distingue rapidement, sorte d’interlocuteur obligé du violoncelle. Les cris de ce dernier laissent place à un certain lyrisme, sur fond de cordes soyeuses qui participent à la désolation sans fin du Moderato. Ses harmoniques, en dialogue avec le célesta, ouvrent la voie à la Cadenza que défend Steven Isserlis, à nu. Dans l’alerte Allegro con moto, le chef se montre moins incisif qu’au départ, semblant dépassé par l’esprit de la musique.

Comme travail de fin d’études au conservatoire de Leningrad, Dmitri Chostakovitch (1906-1975) livre une Symphonie en fa mineur Op.10 n°1 qui remporte un vif succès dans la grande salle de la Philharmonie, le 12 mai 1926. À cet accueil encourageant pour le créateur s’ajoute, dans la même période, la joie de rencontrer des confrères tels que Berg, Schreker, Milhaud et Honegger, dans un climat politique relativement ouvert sur le monde. Ses quatre mouvements peuvent se scinder en deux parties : la première grotesque et satirique à la manière du modernisme, puis la seconde, grave et romantique, où s’apprécie le lyrisme de certains soli (violoncelle, flûte, basson).

« Ce qui m’attire chez Britten ? La puissance et l’ouverture de son talent, sa simplicité apparente et l’intensité de son potentiel émotionnel », répond en 1968 le père du Boulon [lire notre critique du DVD] qui rencontra celui de Gloriana [lire notre critique du DVD] lors de la première anglaise du concerto évoqué plus haut, en 1960. Au début des années trente, Benjamin Britten (1913-1976) livre également un travail pour marquer son départ du Royal College of Music (Londres) : la Sinfonietta Op.1 (1933), assez complexe pour décourager une présentation par les autres étudiants de l’institution. Pièce chambriste d’un quart d’heure pour dix musiciens (dont un quintette à cordes), elle est ici une respiration admirable au diptyque russe, tonique et chatoyante, livrée dans le respect de sa fraîcheur un peu grave.

LB