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Chroniques
Terry Riley
« In C »
S’il faut sacrer La Monte Young roi de la musique minimaliste américaine – qu’on nommera, selon ses goûts et convictions, répétitive, hypnotique, pulsative, etc. –, son compatriote Terry Riley (né en 1935 à Colfax, Californie) a toutes les qualités d'en être le prince héritier ! Durant leur jeunesse, qui voit naître Trio for strings (1958) du premier et String Trio (1961) du second, nos deux octogénaires ont en commun de s’être passionnés pour Stockhausen avant de partager un même professeur : Pandit Prân Nath (1918-1996), maître de chant classique indien et expert en râga.
Une fois diplômé de Berkeley, Riley multiple les voyages culturels – jouant du piano en Europe, tablas et tampoura en Inde – comme les expériences dans son propre pays. On le voit impliqué dans l’expérimental San Francisco Tape Music Center, institution fondée par Subotnick et Sender pour promouvoir la musique sur bandes magnétiques, ou dans des All-Night Concerts qui le mènent à improviser une grande partie de la nuit à partir d’un harmonium et d’un saxophone. Inspiré par les cérémonies soufies, l’enregistrement Persian Surgery Dervishes (1972) témoigne de ce que peut faire en concert l’auteur de Shri Camel, à partir d’un orgue électrique Yamaha.
Pièce maîtresse de la musique américaine, « In C » (San Francisco, 1964) contient cinquante-trois motifs, et chacun d’entre eux une phrase musicale différente et de longueur variable, presque toujours en ut comme le titre l'indique. Le choix et le nombre des instruments n’est pas imposé, de même que « chaque interprète a la liberté de choisir le nombre de répétitions avant qu'il ne passe au motif suivant. Aucune règle ne fixe le nombre de répétitions ». Il est quand même préconisé de ne pas s’éloigner trop les uns des autres, pour que la pièce dure entre trois et six quarts d’heure.
Pianiste et compositeur hollandais, Jeroen Van Veen (né en 1969) a choisi à son tour : en février 2015, seul dans son propre studio, il installe autour de lui clavicorde, deux pianos à queue, trois claviers électriques et quatre synthétiseurs, sans oublier un Tascam DP-24 (Portastudio numérique vingt-quatre pistes).
Le résultat surprend d’abord par la diversité des timbres (métallique, moelleux, etc.) et de vibrations (brièveté du piqué, saturation d’une résonnance), au service d’une énergie globalement expressive et hypnotique, sublimés par la fluidité des transitions de l’une à l’autre des douze parties de l’œuvre. Si l’on est d’humeur au voyage, « In C » parle à tour de rôle au corps, à l’âme, à l’esprit – et on repense, alors, aux héritiers savants et populaires (déphasages de Reich, vulgarisation commerciale des années soixante-dix).
LB