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Chroniques
Thé – Silence brisé
un portrait de Tan Dun
Né le 18 août 1957 dans la province du Hunan,Tan Dun (Tan étant le patronyme) connaît les camps de rééducation de la Révolution Culturelle avant de découvrir la musique de l'Ouest. Quand le Conservatoire de Pékin ouvre à nouveau ses portes en 1978, il y suit les cours de professeurs invités tels Crumb, Henze ou Takemitsu. Aujourd'hui installé à Manhattan, le compositeur décrit le thé comme un lien entre les gens, un moyen de gommer les différences et de mettre l'esprit à nu. Mais c'est avant tout une plante qui relie l'homme à la nature, permettant le voyage de l'âme comme les chants de chamans qui s'élevaient dans le village de son enfance. Partant d'un sujet quotidien, Tan Dun s'achemine donc vers l'inconnu, mais avec comme guide la recherche de l'harmonie, à l'image de l'équilibre nécessaire à la préparation du thé : si l'eau est trop chaude, les feuilles brûlent ; si elle est trop froide, elles ne s'ouvrent pas…
Premier documentaire de ce programme, Tea (Thé) livre des moments de répétitions et de représentations de l'ouvrage lyrique éponyme, repris au Het Muziektheater d'Amsterdam après sa création au Suntory Hall de Tokyo, le 22 octobre 2002. Comptant l'histoire d'amour tragique entre un prêtre japonais et une princesse chinoise – qui, jusque là, vivait dans un monde enfantin en compagnie de son frère –, la partition mêle éléments orientaux, occidentaux (lyrisme de l'opéra italien, chœur antique) et emprunts aux sons organiques de la nature (eau, pierre, papier). Interrogé en alternance avec le librettiste Xu Ying, le metteur en scène Pierre Audi voit dans l'œuvre une suite de rituels.
Le Silence brisé (Broken Silence) donnant son titre au deuxième documentaire est celui qui, au lendemain de la Révolution culturelle de Mao Zedong, permet aux musiciens chinois de retrouver le chemin des conservatoires et de découvrir la musique occidentale (Beethoven ou Chostakovitch). Un concert thématique du Nieuw Ensemble, conduit par Ed Spanjaard, est l'occasion de cinq portraits de fondateurs de la musique chinoise contemporaine : Tan Dun, Chen Qigang, Guo Wenjing, Qu Xiaosong et Mo Wuping – disparu à l'âge de trente-trois ans, auquel ce film est dédié. Réflexions personnelles et souvenirs collectifs se mêlent à des extraits musicaux illustrés par des vues de Chine et à des moments de répétitions où l'on voit, à son tour, l'Occident découvrir sonorités et vibrations méconnues. À juste titre, ce film de 1995 a remporté de nombreux prix.
LB