Chroniques

par laurent bergnach

Thierry Vagne
Régis Campo – Musique de l’émerveillement

Aedam Musicae (2018) 264 pages
ISBN 978-2-919046-62-1
Régis Campo – Musique de l’émerveillement, un ouvrage signé Thierry Vagne

Né à Marseille en 1968, Régis Campo commence seul l’apprentissage de la musique (harmonie, contrepoint, composition), grâce à un piano qui devient son compagnon d’enfance et d’adolescence. Il fréquente ensuite le conservatoire où l’inspire les enseignements de Georges Bœuf et de Gérard Grisey, puis certains compositeurs dont Edison Denisov et Henri Dutilleux. « Surtout n’écoutez aucun conseil de mandarins, lui conseille ce dernier. Vous avez votre style » – et « qu’est-ce qu’un style ? écrirait l’intéressé dans un hommage récent à son ami Frédérick Martin (1958-2016), juste une petite trouvaille, une petite musique mais de taille ! ».

Le sien, l’ancien résident de la Villa Médicis devenu membre de l’Académie des Beaux-Arts l’a forgé en partie en vampirisant celui de ses confrères (pastiches, imprégnations, etc.), à l’instar de Picasso. Respectueux des grands orchestrateurs et friand de personnalités hors cadre (Canat de Chizy, Filidei, Levinas, Ohana, Saariaho, etc.), Régis Campo aime citer, plusieurs fois parfois, certaines œuvres qui accompagnèrent sa formation artistique, plus intéressantes que le monde réel : Danses slaves (Dvořák), Angels in America (Eötvös), Lontano (Ligeti), Turangalîla-Symphonie (Messiaen),Gondwana (Murail), Daphnis et Chloé (Ravel), Shéhérazade (Rimski-Korsakov), Tapiola (Sibelius), Le sacre du printemps (Stravinsky) ou encore Jonchaies (Xenakis). Enseignant dans sa ville natale depuis 2003, le musicien peut désormais partager ses enthousiasmes avec nombre d’élèves, conscient que « la parole du professeur est une énergie, une éthique ».

Qu’en est-il du travail de composition ?
Nourri de littérature, de peinture et de cinéma – ce dernier abordé versant scénario et bande-son –, le créateur des Quatre jumelles [lire notre chronique du 12 février 2009] est d’abord un homme du papier : de même que l’écoute des autres via la partition, il apprécie la gomme et le crayon pour noter ce qui fut pensé au grand air, dans le libre mouvement du corps. Pour lui, « le rôle du compositeur actuel est, tout en étant original, d’essayer d’harmoniser des courants parfois contraires ». En ce sens, mieux vaut se frotter à l’art populaire (The Beatles, Morricone, Herrmann), à des instruments inhabituels (waterphone, etc.), qu’à la « grisaille » postsérielle, au « bon goût confortable » des néos ! Régis Campo compte plus de trois cents opus à son catalogue, dont on vante souvent la vitalité, la lumière et la joie ; ce que lui nomme « folie claire » – ainsi qu’on parle de ligne claire.

À l’aide d’entretiens réunis par thématiques, mêlés à divers témoignages de musiciens (di Falco, Gottlieb, Horvath, Lott, Nagano, Revel, Visse, etc.), Thierry Vagne offre un portrait vivant autant qu’attachant d’un optimiste hanté par l’abandon et la solitude – mais pas au point de cultiver la langue de bois. Saluons le musicographe pour avoir mis la bonne lumière sur un homme assez discret, et remercions-le pour le respect accordé à ses confrères œuvrant sur internet, à l’heure où la presse papier s’intéresse toujours un peu moins à la création.

LB