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Chroniques
Umberto Giordano
Andrea Chénier | André Chénier
Umberto Giordano (1867-1948) n'a pas trente ans quand il compose Andrea Chénier – célèbre opéra en quatre actes, sur un livret de Luigi Illica –, entre Regina Diaz (1894) et Fedora (1898). L'œuvre est créée à la Scala de Milan, le 28 mars 1896. Giordano est avant tout un compositeur d'opéra et le vérisme qui domine à l'époque convient tout à fait à l'expression de l'emphase, à l'exubérance, aux mélodies déployées qui seront les siennes jusqu'à ce que ce style tombe en désuétude. Le recours à une période historique agitée répond au bouillonnement de ce créateur passionné.
Domestique de la Comtesse de Coigny, Charles Gérard ne supporte plus la toute-puissance de cette aristocratie qui repose sur l'esclavage de tout un petit peuple. Arrive le poète André Chénier qui, en écho, reprend le même discours mais cette fois à voix haute, devant les invités de la salle de bal. La première phase de la Révolution est finie. Gérard est devenu un proche de Robespierre tandis que Chénier devient peu à peu suspect. Madeleine, la fille de la comtesse, aimée par les deux hommes, est à l'origine d'un duel entre eux. Gérard est blessé, mais il cache l'identité de son agresseur à la foule vengeresse. Au troisième acte, Chénier arrêté sous prétexte d'espionnage, Gérard – toujours fou de Madeleine qui lui préfère son rival – accepte de signer un réquisitoire contre le poète. Il viendra cependant le défendre devant la Cour des Révolutionnaires, alors qu'on refuse ce droit à l'accusé. En vain : la condamnation à mort est rendue et Madeleine décide de périr à ses côtés.
C'est à écouter un enregistrement du 26 novembre 1941 que nous convie Naxos Historical. Beniamino Gigli (Chénier), grand ténor du début du siècle, possède une voix claire au timbre très beau. Certes, le style n'est pas toujours d'un goût certain, c'est un peu forcé, mais comment ne pas être sensible à des aigus aussi somptueux ! Gino Bechi (Gérard) possède une même puissance, avec une ligne de chant remarquable ; la voix est bien placée, très timbrée. Autre baryton de la distribution, Giuseppe Taddei (Fléville) nous charme avec une souple voix de velours, aux aigus posés délicatement. Giulietta Simionato (la comtesse) est au niveau de ses camarades : un chant très présent, ferme et précis, une voix qui raconte, en font une interprète de premier ordre – rencontrée malheureusement qu'au premier acte. Seule Maria Caniglia (Madeleine) nous déçoit avec une voix tremblotante, pas toujours juste et vieux style. Même s'il est amusant d'entendre La Carmagnole chantée en italien, reconnaissons que le chœur, lui aussi, n'est pas toujours juste.
Dernière bonne surprise de cet enregistrement, l'Orchestre de la Scala est vif, précis, nuancé, effervescent. Dès les premières mesures, Oliviero de Fabritiis (qui, également avec Gigli, a gravé Tosca et Madame Butterfly) emporte l'auditeur et sait toujours être surprenant. Une belle construction de la partie orchestrale contribue à la sensualité de l'ensemble.
HK